mardi 10 mars 2009

Une lettre oubliée ...

La maison était vide. Vide de toi. Je ne savais dans quelle pièce bouger. Le vent soufflait contre les vitres, faisant tressauter le chat d'une pièce à l'autre. C'était l'hiver, un temps abominable courrait sur tout le littoral.
***
La pluie a coulé fort contre les murs de la maison. Et moi, dans ma sombre solitude, j'attendais encore, ta dernière lettre à la main. Cette unique chose suspendue à l'arrêt d'aimer. Cette morne vississitude dévoilée et augmentant d'heure en heure, de jour en jour.
***
Parle pour toi, fit Honey. Honey savait toujours quoi me dire dans des moments pareils. Elle savait mieux qui quiconque mon esprit et mes soucis. J'en avais pourtant vite fait le tour. Pourtant, cette fois, rien ne me remonterait le moral. Il en était ainsi et rien n'avait pour habitude de changer mes plans.
***
Tu es confus, elle m'a dit. Confus, je l'ai toujours été. Triste, solitaire et confus. Confus dans mes pensées, confus dans mes amours, confus dans toute ma vie. Mais ce n'est plus cela qui m'importait à présent ! J'ai reposé ta lettre et ta photo que je tenais encore serrée contre moi. La maison tremblait littéralement.

samedi 21 février 2009

Retour divin

Quand les pluies auront cessé,
Comme cessent les pleurs des enfants,
Quand le ciel à jamais fatigué,
Remis des vieilles blessures d'antan,
Aura ruiné sa vertu sur le monde,
Quand les roses même dans leur cocon
Auront retrouvé leur nature féconde,
Et sur les pieds des parpaings abscons
Fermeront les marches des tombeaux,
J'irai, loin des hommes, racheter
Les fautes qui sont déjà miennes,
Et par delà les murs de satiété,
J'irai attendre son retour, obsidiennes
Pensées, jusqu'aux confins des
Vacuités délétères et plus encore,
Sous le pourpre sombre des dais,
Je l'attendrai entre silence et or
Plus avant, quand les tempes grisonnantes
Auront pâli sous la rectitude des
Chênes usés par l'effroi ; mortifiantes
Erreurs de nos songes parfaits,
J'irai prendre la place qui est mienne,
Et sous les passereaux à demi-sommeillant,
Je serai l'ombre de la lumière pleine,
La montagne orgueilleuse d'un méfiant
Roi d'un autre temps, disparate comme
L'été perdu des tombes d'un vent
Qui déjà sous les frimas de l'automne
N'aille par les chemins en tremblant.
***
Un poème de DorianGray

samedi 31 janvier 2009

Pour en arriver là !

Pour en arriver là, il avait fait du chemin. Depuis les rues grises de la ville du centre jusqu'aux premières places du pays, et ensuite jusqu'à ce poste honnis de tous, il avait fait un chemin considérable. Il avait plus d'une fois payé de sa propre personne sa réussite éphémère.
***
Il avait tout fait, depuis les bancs d'école crasseux et poussiéreux de son vieil établissement morne et insipide jusqu'aux premiers rôles impressionnants qui marquèrent sa carrière alors qu'il n'était même pas âgé de trente ans. Il en avait vu énormément en si peu de temps que la terre lui semblait à présent bien petite et l'univers si vaste.
***
L'école n'avait pas été son lieu favori, pourtant il s'y était appliqué, bien qu'il n'ait jamais été qu'un élève moyen et borné. Les points et la réussite ! Voilà la seule chose que lui avait appris son père. Réussir et écraser. Cela, il l'avait retenu. Même s'il devait admettre par moments en être malheureux. Mais le malheur faisait partie de sa vie.
***
Il était d'un bois dur et qui ce serait voulu insensible, mais je le connaissais sans doute mieux que lui. Ainsi en allait-il de sa vie. Politicien chevronné, il croyait en l'élévation du genre humain envers et contre lui s'il le fallait. Non par prétention mais par conviction. Las ! Ses convictions l'avaient poussé dans des bras noirs et extrêmes. Il avait fait tôt la connaissance d'un genre de pensée qui laissait peu de place à l'amour et à la solidarité. Pourtant, je savais qu'en secret il éprouvait encore des sentiments. Il me l'avait dit. En fait, il donnait aux autres une mauvaise image de lui.
***
Mais entouré de ses hordes de cranes rasés, il fallait reconnaître qu'il n'avait pas été bon. Commençant lentement par des petites explosions minimes dans les quartiers les plus chauds de la ville, il avait lentement milité pour la sécurité et pour la protection des citoyens. Je l'avais cru à cette époque, avant que je ne me rende compte que c'était lui qui tirait les ficelles derrière cela. On s'était lentement éloigné, même si j'ai appris par sa bouche qu'il ne m'avait jamais oublié et qu'il avait veillé sur moi autant qu'il le pouvait.
***
J'aurais pu être d'accord avec lui autrefois, mais j'ai changé, voyez-vous. On ne peut pas cautionner les agissements de ces nouveaux nazis des temps modernes. Il avait toujours été fasciné par la période hitlérienne et pour les fastes du IIIème Reich, il n'y avait qu'un pas pour qu'il devienne un fanatique. Il l'a franchi ... plus par dépit que par foi véritable. Je m'en sens responsable même si je sais que ce fut son choix et non le mien !
***
Il n'avait jamais marqué d'attachement aux autres si ce n'est à moi et à sa fille. Ainsi, j'avais vu périr nombre d'anciens amis qui s'étaient élevés contre une lame de fond venant d'on ne savait où. Lorsque j'ai compris que rien ne l'arrêterait, je me suis battu contre lui, moi aussi. J'ai le regret de la dire. Il m'a toujours aimé et n'a jamais tenté de me faire du mal. Je sais que les deux S.S. qui m'ont envoyé à l'hôpital, il y a quatre ans, pour mes longs cheveux et mes manières peu respectueuses du gouvernement l'ont payé chèrement. Il n'a jamais été dans ses intentions de provoquer ce bain de sang. Il voulait la paix et il a eu la guerre !
***
Si j'écris ces lignes, Monsieur le Président, c'est pour vous décrire, non le tyran despotique qui avait juré votre perte, mais l'homme de bine qu'était mon ami. Il ne pleurait pas souvent, c'est vrai, mais cela venait toujours du coeur. Il a perdu beaucoup lorsque sa femme et sa fille, prises de panique, l'ont quitté. La solitude l'a rendu fou ! Je sais ce que cela peut être même si maintenant je suis marié moi-même et que j'ai deux fils qui m'adorent. Autrefois lui aussi m'a adoré. Il aurait vendu la terre pour moi. Voilà ce que je veux vous dire : il était excessif en tout ! En amour comme en pensée, comme en violence. Incapable de faire le mal par lui-même, il a dévoyé la jeunesse qu'il adorait pourtant pour en faire de véritables machines de guerre.
***
On en peut lui pardonner, c'est vrai, ses actes et les morts qui ont entaché sa conduite. Mais songez qu'il fut le meilleur enseignant que nous ayons eu ! Un homme qui se voulait proche des siens, proche des élèves et des professeurs, qui voulait tellement nous sortir de nos misères. Il n'y est jamais arrivé, vous savez, on en change pas quelqu'un contre sa volonté ! C'était là sa seule erreur. Je ne vous demande rien de spécial, juste de ne pas livrer son corps en pâture aux autres politiques véreux. Car lui, à défaut, ne l'était pas. Brûlez-le comme un païen, c'était cela son voeux le plus cher, brûlez-le à l'air libre et laissez ses cendres se disperser à jamais.
***
Pour en arriver là, il avait travaillé dur et de manière obsédante, toujours cherchant le vice et le traquant, même le sien, s'enfermant sans cesse dans les sombres et néfastes géhennes de ses envies refoulées. Comment est-il devenu si mauvais ? Je ne crois pas qu'il l'était foncièrement. Vous vous tromperiez sur son compte. Je sais que la ville fut prise avec sang et fracas, mais il était là, lui-même, sur le champ pour éviter tant que faire se peut les massacres inutiles. Il a protégé deux jeunes Marocains qu'un de ses têtes rasées voulait abattre sans autre forme de procès. Ne vous y trompez pas, ce n'étais pas le diable, encore moins Hitler lui-même. Cette folie destructrice, il ne l'avait pas en lui !
***
La famille royale en exil exige à présent des hommages grandioses pour leur prince héroïque mort au combat contre mon ami. Laissez-les donc à leur ferveur stupide. Qu'ont-ils jamais fait pour nous ? Mon ami lui-même avait défendu l'un des princes pour son appartenance aux Habsbourg, vous en souvenez-vous ? Laissez donc ces hédonistes se livrer à leurs petits jeux stupides et écoutez votre bon sens. Notre pays se porte mieux sans eux !
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Vous avez été déserteur, vous avez vous même dans un sens failli à votre mission. Même si la cause était noble. Lui n'a jamais failli. Jusqu'au bout, il a cru en sa mission et en sa décision. Il a fait certes des erreurs mais toujours dans un seul but. Je ne voudrais me rappeler que de ses lois pour le logement décent des plus pauvres, pour l'abolition complète des lois sur l'art et sur la culture, pour l'ouverture par centaines de foyers d'accueil pour démunis et pour enfants maltraités. Parce que cela aussi, c'était mon ami.
***
L'Europe le fustige de criminel de guerre, de meneur de foules et d'assassins. C'est vrai ! Je le concède, mais regardez derrière le paravent l'être qui fut pour les plus démunis le seul recours contre les puissants. Je vous ai entendu depuis mon lit d'hôpital hurler que vos parents avaient été éliminés. Dois-je vous rappeler les causes de cette extermination odieuse ? Oseriez-vous dire au peuple que vous avez libéré qu'ils étaient les actionnaires majoritaires de BelgiumBank avant que sa faillite frauduleuse créée de toutes pièces par les membres de votre clan pour s'approprier les richesses des petits épargnants. Auriez-vous oublié que c'est grâce à eux que de simples petits commerçants, de petits pensionnés se sont retrouvés à la rue ?
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Je vous écris cette lettre, Monsieur le Président, non pour tenter de sauver son âme, il n'en avait pas, n'y a jamais cru et je sais pourquoi. Mais je voudrais tenter de vous faire comprendre que ses actes ont toujours été guidés par sa foi en un homme meilleur. Vous et vos amis actionnaires et trésoriers avez trahi le monde dans lequel nous vivons. Mais une chose est certaine, une révolution est en route et vous en pourrez la stopper.
***
Maintenant, voilà les mots qui tout à l'heure vont jaillir sur les écrans de télévision dans tout le pays. Je l'ai combattu lors de la manifestation à Charleroi. Nous étions des centaines de milliers contre lui, nous l'avons assailli dans son palais au centre de la ville haute. Son palais ! Parlons-en ! Vous avez essayé de faire croire qu'il avait profité du pouvoir, qu'il s'était fait construire une maison dorée en pleine ville ! Horrible mensonge quand on voit l'état actuel de la maison communale et de la place. Jamais telle chose n'a été construite ! Vous le savez, les habitants de la ville le savent aussi ! Vous ne nous ferez pas taire.
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Il s'est rendu lui-même au-devant des manifestants pour leur faire comprendre son point de vue. Il savait que j'étais là ! Ses soldats ne l'ont pas suivi, ils ont voulu ramener l'ordre par la violence. Et je l'ai vu, lui que vous jugez pleutre et monstrueux, je l'ai vu lui se placer devant les fusils de ses soldats pour me protéger de leurs balles, ce qui me doit uniquement une balle dans la jambe aurait pu se transformer en une tombe pour mes fils. Quand son corps est tombé sur les pavés rougis, il m'a regardé et je l'ai vu sourire comme il souriait autrefois quand il m'aimait encore. Il m'a regardé et a sorti son fusil personnel à crosse de nacre. Il a tiré en direction de ses propres hommes pour les faire reculer et arrêter et a fait appeler son chef d'état major. C'est à mon ami que je dois ma vie, c'est à lui que nous devons l'arrêt de cette guerre civile. Il l'a arrêté d'un seul mot et d'un seul geste. Et ce geste, vous ne le portez pas alors que moi oui. Il m'a regardé, a baisé mes lèvres comme il aurait toujours voulu le faire autrefois, il a souri une dernière fois et s'est enfourné l'arme dans la bouche. C'est sa mort et non votre action qui libéra le pays, voyez-vous. Alors songez-y avant de mettre son corps et son action en charpie ! Songez que vous pouvez devenir meilleur que lui mais qu'il vous faudra vous battre pour cela et non revenir en arrière. Je vais bientôt sortir d'ici et retrouver les miens. Mais je garde au fond de mon coeur une place particulière pour cet homme qui un jour m'aima plus fort que tout et qui tenta de me rendre heureux alors que je pleurais. Fasse que son esprit, s'il en possédait un, soit à présent en paix !
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Un récit de DorianGray

jeudi 29 janvier 2009

Souvenirs d'antan

Je savais porter mes chaînes, relié à jamais à une réalité dont je m'éloignais sans cesse un peu plus. Et je restais, âme parmi les ombres, sombre peine dans un océan en perdition. Ressentir l'envie des passions interdites et ne savoir où aller. Je me voyais déchiré, écartelé, dans les bras des amoures perfides et dénaturées. je n'étais déjà plus moi-même, mais ce que j'avais pu être revenait en force et s'écrasait en mon fort intérieur avec une violence extrême.
***
Assis dans la méridienne pourpre qui faisait face à la grande baie donnant sur la falaise, les yeux clos et mouillés des larmes amères de l'espoir perdu, j'écoutais le ressac s'amplifier en grondant dans la colère sourde de l'océan. Je sentais l'effroi des oiseaux marins qui évitaient les écueils sanglants et les remontées mortelles en planant tel des dieux sur les hauteurs abyssinales des anciens cieux éteints.
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Je revoyais avec discernement et des plaies à l'âme les yeux clairs et doux encadrés de cheveux longs aux accents automnaux des bises froides et des feuilles mordorées arrachées aux branches frêles. J'avais le coeur malade et la passion débordante. J'aurais pu hurler cette vérité affreuse qui me revenait sans cesse en mémoire comme autant d'abandon autour de lacs gelés.
***
La rumeur incessante des vagues gonflait sous les fenêtres tristes de ma demeure ancestrale. Cela me mettait d'autant plus d'humeur triste et sombre. En ces moments, la vie elle-même semble bien futile et illusoire, fruit des insistances puériles d'une nature exigeante et égoïste. Une vie faite de tristesse, de malheur, de coups du sort, d'antagonisme et d'horreur.
***
J'avais mené ma vie comme dans l'espoir d'un vieux rêve déchu et j'avais été le pire témoin des agissements méphitiques de ma propre personnalité ... la peur et l'envie ... mais surtout cette curieuse passion pour ce que je ne pouvais posséder. J'avais été le seul jouet de mes propres terreurs, de mes vieux démons ... des démons qui avaient eu la vie dure !
***
J'étais assis dans la méridienne face à l'étendue marine et j'attendais. J'attendais que la plainte cesse. Je fixai longtemps le gramophone avant de songer à le mettre en route. Les vieilles musiques me sont toujours source de plaisir. J'ai attendu ... j'ai attendu jusqu'à ce que le rouleau ait fini son vieil air et ensuite ... le vide sous mes pieds et la falaise en contre-bas ... rien de plus, rien !
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Un écrit de DorianGray

mardi 27 janvier 2009

Bienvenue à Gatefalls

Sous la pluie battante, il avait aperçu la silhouette jeune et fragile d'un garçonnet tout de blanc vêtu et serrant contre lui un sac aussi trempé que lui. Sous la pluie battante, il l'avait aperçu et il s'était arrêté.
***
La voiture venait donc de s'arrêter. Sous la pluie battante, Damien regardait les phares rougeoyer dans la brume liquide qui couvrait toute sa vision. La berline s'était immobilisée quatre mètres plus loin que lui après qu'il eut désespérément fait de l'auto-stop durant cinq heures. Le plaisir était immense. Il allait enfin pouvoir regagner la ville au chaud à défaut d'être au sec.
***
S'avançant rapidement le long de la rambarde extérieure, Damien longea la portière arrière et se pencha pour entrer devant. L'habitacle était douillet et bien chauffé. Le garçon entra, jeta son sac à ses pieds et referma la porte. une odeur de menthol et de lavande sucrée embaumait la voiture.
**
- Salut, fit le chauffeur. Alors, ça fait longtemps ?
- Oui, assez, je suis parti à sept heures du mat' et il a commencé à pleuvoir vers dix heures. Je suis complètement trempé et ce matin il faisait si beau que je n'avais rien prévu d'autre.
- Tu habites loin d'ici, fit le jeune homme avec détachement.
- A trente kilomètres, tout droit, c'est un village qui s'appelle Gatefalls. Vous ne pouvez pas le manquer.
- Alors, c'est parti, fit-il en remettant sa voiture sur la route inondée.
***
Le conducteur était un jeune homme de vingt-trois, ving-cinq ans. Grand, blond cendré, athlétique et assez sympathique. Il conduisait à faible allure pour éviter les accrocs inévitables sur ce genre de route et pour laisser le garçon se sécher. Damien n'avait pas douze ans. Il était certes grand pour son âge, mais il savait parfaitement qu'il n'aurait jamais du faire de l'auto-stop. Sa mère l'avait pourtant mis en garde contre les pervers qui peuplaient les routes du Grand Nord. Mais à défaut, celui-ci semblait être un client honnête.
***
Le conducteur tenta un regard vers le jeune garçon. Un bien innocent regard vers ce gamin trempé dont le short blanc complètement transparent révélait une absence étrange et excitante de sous-vêtements. Il savait bien sur ce qu'était ce petit gars. Le même petit gars que tous les autres qu'il avait pu embarquer dans sa voiture depuis deux ans. Le même petit salaud qui le tentait, qui l'excitait avec ses vêtements courts et serrant aux bons endroits, le même genre de petit enculé qu'il voulait prendre, de force s'il en était besoin. Le serrer dans ses bras, le tenir, ne plus le lâcher, l'obliger à demeurer identique pour l'éternité. Il pourrait encore le dénuder, saisir son sexe dans ses mains, l'engouffrer dans sa bouche distendue et finalement le faire souffrir comme lui souffrait.
***
Damien se positionna de meilleure manière sur le siège, colla son sac dans le coin et entreprit de s'estimer dans le miroir passager. Le chauffeur ressentait cette chaleur interne qui lui signalait ses envies puissantes et destructrices. Il voyait le gland violacé du garçon se coller contre le tissu blanchâtre, il voyait les petites basquettes décolorées agrémenter ses jolis et menus pieds de pré-adolescent, il voyait et respirait presque ce t-shirt trempé qui collait à la peau fine et suave du jeune. Cette envie de le mordre, de lécher son corps nu et offert.
***
- Excusez-moi, ça vous dérangerait si j'ôtais mon t-shirt et mes basquettes pour tenter de les faire sécher ?
- N... Non ... Non bien sur, mais tu n'as rien emporté pour te sécher ou ... que sais-je ? Enfin, je veux dire ... un jeune gars comme toi ... seul sur une route ... qu'y faisais-tu ?
- Excusez-moi, je vous ennuie peut-être, j'en suis désolé. Voulez-vous que je sorte ?
- Non ! Ne fais pas attention, je me demandais ce qui avait bien pu te pousser à te perdre sur cette route.
- J'allais pêcher ... mais ce matin, il faisait beau ... le temps n'était pas prévu ... enfin, il n'était pas question de pluie au journal télévisé. Mais bon, tant pis ... et non je n'avais pas pris de vêtements de rechange.
- Et si tu étais tombé à l'eau ?
- Vous n'avez pas dû souvent pécher vous ? Si jamais je tombe à l'eau, j'enlève tout et je laisse sécher ... y a jamais personne par là ! Bon, vous permettez, j'enlève mes frusques.
***
Le garçonnet commença par ôter lentement son t-shirt. Ce dernier collait littéralement à la peau et faisait un bruit mouillé et vaguement excitant lorsque le garçon tirait dessus. Le chauffeur n'en pouvait plus. Il continuait de reluquer le gamin sans pouvoir s'arrêter. C'est à peine s'il se rendait compte du regard froid et calculateur du garçon. Il asséna un grand coup de volant, faisant voler la berline vers la forêt, entrant dans un minuscule sentier. Il frappa Damien au visage d'un coup maîtrisé et calculé. Avant, il devait s'y reprendre parfois à plusieurs fois pour endormir les garçons. Mais c'était il y a deux ans. Maintenant, il savait parfaitement comment s'y prendre. Un seul coup suffisait amplement à calmer les gosses les plus vigoureux.
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Damien avait poussé un cri, mais il gisait maintenant sur le siège, parfaitement calme. Il serait facile de lui faire tant de choses moralement répréhensibles. Quel plaisir que de profiter d'un si jeune corps offert à la luxure éternelle. C'était devenu un esclave, un esclave sexuel destiné au plaisir unique et enivrant. Le chauffeur se pencha sur le garçonnet et ôta son short. Le sexe tendu bondit presque hors du vêtement. Conduire ou jouir, il faut choisir, se prit à penser le conducteur en souriant.
***
Le premier coup de dents le surprit. Tellement qu'il se renversa sur le tableau de bord. Son épaule avait été presque arrachée. Sur le siège arrière se tenait une créature informe et affreuse, issue des pires cauchemars. Une véritable sorcière couverte de terre et offrant un visage dévasté comme peuvent le montrer les morts. La vieille, car il était à présent certain qu'il s'agissait d'une femme, souriait et arborait des dents pointues, bancales et rougies. Le garçon releva légèrement la tête et le fixa droit dans les yeux.
***
- Désolé, mon vieux, mais je pense que vous venez de faire connaissance avec ma mère de manière un peu brutale. Autrefois, elle était douce et aimante, vous savez. Elle me disait toujours de faire attention, de ne pas faire du stop. Mais un jour, voyez-vous, elle me quitta. Je n'ai jamais pu le supporter. Je suppose qu'avoir une goule pour mère n'est pas heureux, mais je n'ai jamais pu me faire à l'idée de vivre seul. Et comme elle s'est occupée de moi autrefois, je m'occupe d'elle à présent. Gatefalls est une petite ville, voyez-vous. Le cimetière est petit ... et de temps en temps, j'aime lui offrir un peu de chair fraîche. Mais toujours de la viande gâtée ... moralement ou physiquement ...
- Mais qu'est-ce que ...
- Et maintenant, je suis désolé de vous dire que vous allez lui servir de repas ... regardez-la comme une chance d'expier vos crimes. D'autres enfants ont sûrement du prier et pleurer beaucoup lorsqu'ils vous ont rencontré ... montrez-vous un peu digne de votre mort.
***
Ouvrant la portière passager, Damien sortit, son corps nu éclaboussé par la pluie drue et fine. Il saisit ses vêtements et son sac et enfin referma la porte et attendit. Les coups de dents suivants furent plus rapides, plus affamés, plus extrêmes que jamais. La vieille avait faim, elle avait toujours faim, d'un appétit éternel et malsain. Le pédophile ne cria pas, ne pleura pas ... et n'eut même pas le temps d'adresser une quelconque prière à un hypothétique dieu ... La goule avait fait pitance copieuse et pouvait à présent se rendormir.
***
Près d'un lac, à quelques centaines de mètres de là, douze jours plus tard, un vieil homme aperçut un jeune garçon de douze ans environ se baigner nu dans l'onde pure. Il n'avait pas souvenance d'avoir vu si joli spectacle depuis bien des années. Il n'avait jamais vu ce garçon dans le voisinage et se demanda tout à coup s'il aimait pêcher.
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Un récit de DorianGray et DrAlucard

dimanche 25 janvier 2009

La beauté est immortelle

Septembre 1863. Un jour comme les autres à Istanbul. Le ciel mordoré collait encore à l'eau bleutée du Bosphore. Quelques bateaux lents reposaient leurs coques dans le port terni. Les dômes de Sainte Sophie se paraient doucement de jolies couleurs nacrées tandis que les marchés couverts ouvraient boutique pour la plus grande joie des touristes fortunés.
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Il avait déjà quasiment tout vu depuis la Grande Mosquée aux six tours jusqu'au palais impérial de Topkapi où il avait été reçu par son ambassadeur. Il avait d'ailleurs pu rencontrer des personnels du Sultan et même le Grand Bey.
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Mais maintenant, il était temps pour lui de s'en retourner. Son Angleterre natale lui manquait et la vue de ces infidèles lui retournait l'estomac. Cette bande de moutons débiles et indociles, blasphématoires et dégoûtants le révoltait.
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Ce jour-là, il quitta l'hôtel tôt le matin et héla une calèche. Il indiqua une direction précise au chauffeur et se cala dans la banquette, reprenant la lecture du journal qu'il avait entamé ce matin. Il avait promis à l'ambassadeur d'être présent pour la cérémonie de l'ouverture de la nouvelle compagnie maritime britannique à Istanbul. Il aurait manqué à sa parole en étant absent et ce n'était pas le moins du monde son genre.
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Il suivait d'un oeil absent, presque éteint, les dérives du fiacre dans cette ville multi-culturelle et multi-religieuse. De temps en temps, quelque gamin, à moitié décharné, s'accrochait à la voiture et lui demandait des pièces. Imperturbable, il les chassait d'un coup de canne bien placé et reprenait la lecture de son journal.
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Il marchait depuis deux bonnes heures dans les souks en perpétuelle effervescence. Il cherchait le souvenir qui aurait ce petit quelque chose de différent, d'original. Les souks, c'est bien connu, regorgeaient d'objets de petite et de grande valeur. On pouvait parfois même y trouver une oeuvre d'art de belle qualité ou encore un véritable trésor antique. Ce n'était pas toujours très réglementaire, mais les affaires sont les affaires. Les occidentaux n'y peuvent rien si les Musulmans ne savent pas reconnaître la valeur des choses ou s'ils n'ont aucun idée de ce que peut être la respectabilité. Il convenait que tout bon Britannique qui se respecte puisse afficher un trésor oriental qu'il avait extorqué à un pareil mangeur de mouton, infâme et crasseux.
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Sir Michael Loon Osborne tourna à gauche après l'échoppe d'un épicier particulièrement repoussante et pénétra dans une étroite ruelle lugubre. La chaleur qui y régnait était insupportable, étouffante. Une petite boutique sombre s'ouvrait dans cet endroit. Osborne y entra en jetant de rapides coups d'oeil sur les étalages poussiéreux. Il avança vers l'intérieur du magasin, prenant le temps d'inspecter les étagères et les comptoirs de cet incommensurable bric-à-brac.
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Un vieil homme à la longue barbe blanche, vêtu d'une tunique noire typique rehaussée d'un col blanc et arborant un large sourire édenté se tenait devant un vieux comptoir de bois usé. Il se pencha vers son nouveau client et le fixa de ses yeux jaunis.
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- Sir effendi, vous cherchez quelque chose, dit-il, dans un anglais déplorable, en ouvrant les bras comme pour accueillir un vieil ami. Vous voulez de beaux bijoux ou encore de jolis tissus pour votre femme. Vous cherchez peut-être des parures somptueuses pour votre jolie fille ?
- Pas exactement, marchand, répondit Osborne d'un ton dédaigneux. Je ne pense d'ailleurs pas trouver dans tout ce fatras un seul objet digne de curiosité. Tu n'as rien de ce que je recherche.
- Que messire se rassure, fit mielleusement le commerçant après avoir apparemment appris l'anglais en deux leçons intégrales. J'ai là un splendide lot de statues d'origine égyptienne de la XVIIIème dynastie. L'Ottoman se tourna vers une alcôve et en sortit une pipe à eau poussiéreuse. Elle aurait appartenu à notre célèbre sultan Soliman Ier, précisa-t-il. Du joli travail comme vous pouvez le constater, messire.
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Osborne se détourna du vendeur, chassant au passage deux mouches de sa cravache.
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- Tu n'as rien qui m'intéresse, petit homme. Peu importe.
- Allons, allons, effendi, regardez bien ! Je suis certain que j'ai là ce que vous recherchez. J'ai un large éventail d'objets de qualité.
- Non, décidément, tu n'as rien à me vendre !
- Attendez encore, noble seigneur occidental ... j'ai là une pièce unique venant en droite ligne d'un odieux acte de piraterie. Vous pourriez être intéressé par une telle oeuvre, j'en suis persuadé.
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Le marchand emmena Osborne dans l'arrière-boutique. la pièce était haute et sombre. Seule une petite fenêtre avait été percée en hauteur et un léger flot lumineux y pénétrait difficilement. La pièce était encombrée, comme à coté, d'un bric-à-brac disparate, mais au-dessus de tout l'amas maussade, suspendu à un mur vétuste, un tableau immense répandait son aura.
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- Magnifique, n'est-ce pas, fit le marchand avec son horrible sourire. C'est français ... seizième siècle, je crois. Une véritable pièce de musée, n'est-il pas vrai ? Et pas cher avec ça, seigneur effendi. Quelques menues monnaies tout simplement. Je suis certain qu'avec un peu de bonne volonté nous allons nous entendre ... à merveille. Je pourrais vendre la mort en flacon, croyez-moi.
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Soudain, un petit garçon écarta le rideau qui masquait à peine les pièces privées et s'avança vers Osborne. il avait le cheveu gras et les yeux les plus clairs qu'un Turc puisse avoir. Osborne lui aurait donné neuf ans au maximum, si ce n'était cette attitude que d'aucun aurait pu juger grossière, voire vulgaire. Mais le plus étrange était sous ses yeux enflammés son horrible sourire carnassier. Un véritable mâchoire. Il s'arrêta en face d'Osborne et le regarda longuement, puis, il détacha la cordelette qui maintenait le dessus de sa robe crasseuse et très lentement l'ôta complètement, restant ainsi dans la plus complète nudité au milieu de la pièce. L'Européen remarqua avec horreur que le parties génitales du garçon avaient été coupées et cautérisées au feu, de même que les pointes de ses seins. Son ventre, plus que tout, l'obsédait : il grouillait littéralement comme s'il était infesté de parasites.
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- Qui est ce garçon, croassa Osborne. Pourquoi fait-il cela ?
- C'est Azir, effendi. Il est le droit de passage, l'autorisation de quitter le magasin ... en vie. N'ayez pas peur, il va vous montrer. Dénudez-vous, restez calme et détendu et tout se passera pour le mieux.
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*****
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Automne 1897. La lune gibbeuse était haute dans le ciel, des dizaines d'étoiles brillaient comme une myriade de lucioles sur la sombre voûte céleste. Mais ce spectacle, personne ne pouvait le voir. La brume s'était levée et engloutissait maintenant toute la baie, des hautes falaises du cap au village en contrebas. La tempête faisait rage en mer jusque dans le petit port de Northbay. Celui-ci sombrait lentement dans les ténèbres ; du quai à Mainstreet, la nuit régnait en maître.
***
Un bateau ayant quitté le vieux continent quelques jours plus tôt fit son apparition au large. Le vieux brick était ballotté par les flots tourmentés, le bois craquait, les voiles se tordaient. Déjà les draps noirs de l'orage paraient le ciel comme un sépulcre. Le bateau accosta difficilement. Un instant, le capitaine Winnings crut vraiment que son vaisseau allait se fracasser contre la jetée. Mais quelques manoeuvres excellemment exécutées suffirent à maintenir le bateau contre les bras du port.
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L'étrange passager qui avait fait le voyage en sa compagnie serra le main de l'officier de quart et mit enfin pied à terre, tirant sa malle derrière lui. On aurait pu ne pas l'apercevoir tant son costume était insignifiant : il portait un long macfarlane noir et sa tête était coiffée d'un couvre-chef sombre portant une bande argentée.
***
Il héla une voiture pour le transporter à l'hôtel le plus proche. Il paya grassement le cocher et lui expliqua son désir de trouver une bonne chambre à moindre prix. L'homme parut réfléchir un instant, puis sourit à l'étranger. Il l'aida à monter sa malle sur le toit de l'attelage et fouetta ensuite son cheval. La calèche remontait Mainstreet au galop. Tel un fier et courageux saumon, la voiture s'approchait des hauteurs. Le cocher, un homme costaud, un peu porté sur la bouteille, emmitouflé dans un trench-coat, fouettait nerveusement les flancs de son cheval lorsque celui-ci ralentissait trop la cadence.
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Enfin, dix minutes plus tard, la voiture s'arrêta dans une petite rue sombre dans les hauteurs du village. Les façades de la bâtisse étaient noires et sales, elles semblaient presque se toucher au niveau du toit. L'homme, tout de noir vêtu, haut de taille, descendit de la conduite et s'apprêta à frapper à la porte d'une auberge. Elle était assez petite à dire vrai, pas vraiment le sommet de l'élégance, mais c'était la seule ouverte et potable dans ce petit bled voûté. Un grand panneau rouillé pendait lamentablement à ses chaînes. Un texte dont la peinture s'écaillait proclamait "Bienvenue à l'auberge du Roy Henri". Le visiteur heurta la porte du poing par trois fois. Un petit rustaud ventru et bouffi ouvrit après une attente monstrueuse. Un flot de lumière se déversa sur la route détrempée battue par le vent et la pluie. L'étranger entra sans mot dire ; il avait pour tout bagage une immense malle en bois qu'il demanda à l'aubergiste de déposer dans sa chambre. Le patron bailla et rechigna quelque peu avant de s'exécuter. Le client paya bien, sortant la monnaie sonnante et trébuchante d'une ronde bourse en cuir sous les yeux avides de l'aubergiste.
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Le lendemain, l'étranger se leva tard. Il descendit sa malle avec une agilité surprenante et fit demander par l'hôtelier une calèche. La conduite traversa la ville, tourna devant les échoppes des poissonniers et prit la route des falaises au nord-est de la commune. En passant devant le port, l'homme jeta un rapide regard au brick. Il débordait à présent de vie, des marins s'affairaient à sortir d'immenses caisses de la cale du bateau. Elles semblaient bien lourdes et les ouvriers pliaient fortement l'échine.
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L'étranger aperçut le capitaine Winnings à qui il adressa un salut poli. L'interpelé y répondit sans grande joie. A peine s'il le reconnaissait.
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La voiture remonta la route du calvaire et surplomba bientôt le village. Ce dernier s'étendait à quelques milles de Plymouth en une sorte de triangle dont la base était formée par le port et le sommet par le quartier religieux avec l'église, le cimetière et la chapelle des Wentworth, une ancienne famille noble des alentours.
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L'église était tout à fait curieuse : dans bien des aspects, elle paraissait sombre et lugubre, les pierres noires qui la formaient ressemblaient à de vieux os de quelque titan démembré, les vitraux étaient ternes et grisâtres, le toit, soufflé par les tempêtes, ravalé par l'humidité, avait fait son temps, des tuiles pendaient à travers les poutres vermoulues d'un geste à la fois macabre et esthétique. L'ensemble évoquait tristesse et découragement, pleurs de femmes et cris d'enfants pour les chers disparus.
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Tout autour s'étendait le cimetière aux tombes défoncées et écrasées dans le sol noir et suintant. L'étranger contempla gravement la mer, dune des océans, mère infidèle qui ravit les hommes aux bras qui les attendent, qui soutire l'enfant à la mater impuissante.
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Le paysage qui défilait devant ses yeux était d'une morosité éprouvante : de longues étendues vertes entrecoupées de quelques champs jaunâtre. Pas de paysan au travail pour l'instant. Rien que de vastes étendues monotones.
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La conduite stoppa enfin devant un hôtel somptueux, tout blanc, dont la façade principale était ornée de lettrines dorées. Le porche d'accueil du Nemport Osborne's Club était garni d'immenses colonnes faussement grecques qui rejoignaient le toit des dizaines de mètres plus haut. L'avant du bâtiment proposait une face terrible, impérieuse, fière et quasiment dantesque. On aurait dit un roi barbare, posément installé, observant son peuple de loin, depuis le fond de son domaine.
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L'hôtel se présentait comme un U gothique tout en rigueur et en lignes droites. L'homme passa sous le porche et pénétra dans le hall gigantesque écrasé par l'escalier de marbre blanc. il s'approcha du comptoir de réception et sourit à l'hôtesse. Elle ouvrit un livre et regarda le nouvel arrivant avec une curiosité polie et un intérêt vaguement approbateur. Il était grand de taille, près de un mètre nonante, plutôt large d'épaules, assez bel homme par ailleurs avec de longs cheveux châtain retenu en catogan, certainement pas plus âgé que trente ans.
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- Bonjour, monsieur. Soyez le bienvenu à l'hôtel Newport Osborne's Club. Que puis-je faire pour vous ?
- Bien, dit l'homme avec une voix chaude et ample, je me nomme Christopher Keitel, Baron de Landbaden. J'aurais souhaité une chambre pour quatre jours, si cela est possible en cette saison. J'escompte bien visiter les environs et me rendre ensuite dans ma famille à Birmingham.
- Vous avez fortement raison, sir, si je puis me permettre, dit la jeune femme devenue soudainement encore plus onctueuse. La campagne des environs est fort belle et luxuriante et notre hôtel est le premier de sa catégorie et de sa distinction dans cette partie de l'Angleterre. La Reine elle-même a déjà logé dans la grande suite impériale. Je vous inscrit donc pour trois nuits. Je me permets également de vous informer, sir, qu'une légère collation sera servie au thea-room vers dix heures trente ce soir. Vous pourrez en outre bénéficier des différents services sportifs de notre infrastructure dès demain ainsi que du déjeuner à sept heures trente, du dîner à midi quarante très exactement, du goûter à seize heures et du souper à huit heures. Voici, vous avez la chambre 214, aile nord. Le Directeur viendra demain soir au souper afin de vous présenter ses respects, sir. J'appelle immédiatement un chasseur qui vous conduira à votre chambre, sir. Si vous voulez bien patienter quelques instants.
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La jeune fille fit retentir une sonnette et aussitôt un homme de petite taille, étriqué dans son costume rouge apparut. Il salua respectueusement sa supérieure et écouta les ordres avant de dodeliner de la tête. Ensuite, il s'avança vers Keitel, se courba pour le saluer et empoigna vivement la malle.
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Une fois installé, Keitel défit ses valises et rangea ses linges dans les armoires. Il déposa trois livres à couverture rouge sur la table de merisier du salon attenant et une petite statuette de lion gravée. Ensuite, il se rendit dans la salle de bain.
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Le jour suivant, Christopher débarqua dans les jardins de l'hôtel vers dix heures trente. L'arrière du bâtiment était encore plus somptueux que l'avant. D'immenses terrasses de marbre rose encerclaient le restaurant du premier étage. Les fenêtres des chambres ouvraient largement les murs roses et blancs du palace. Tout en haut, un clocheton jetait une ombre pointue sur les toits. Les installations jouxtaient un manège superbe et une piscine couverte. Plus à l'ouest, des terrains de tennis et de golf agrémentaient le paysage. Dans le petit parc entourant la piscine, un kiosque semblait prévu pour accueillir tout un orchestre avec grosses caisses et tromblons. Christopher longea l'allée centrale du jardin exotique et s'enfonça dans le bois domanial.
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La journée était belle, le soleil paraissait vouloir montrer ses ailes dorées plus tôt qu'à l'habitude. Sur le chemin du retour, Christopher croisa un jeune homme étendu dans l'herbe et lisant un petit roman élimé. Il était plutôt beau garçon : des cheveux blonds comme les blés encadrant un visage angélique et candide qui lui rappelait celui de son propre fils, des gestes amples et nerveux lorsqu'il s'exprimait et un léger tressaillement dans la voix comme avant une mue définitive. Christopher se présenta et apprit de l'autre qu'il était le petit-fils du Directeur, Nathanaël Osborne. Keitel parut surpris. Il ne voyait pas à l'évidence la ressemblance entre le jeune homme qui se trouvait devant ses yeux et le vieux barbon qu'il avait aperçu la veille et qu'il lui faudrait rencontrer aujourd'hui. C'était cet homme le but de sa visite dans cet hôtel. S'il lui fallait sauver ce jeune homme des antécédents de sa monstrueuse famille, il devait agir vite, réfléchir rapidement et agir très vite, il le sentait.
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Les deux jeunes hommes se retrouvèrent autour d'un sherry au Yellow's bar. Ce dernier se situait au rez-de-chaussée de l'hôtel, dans l'aile gauche. De nombreux tableaux à motifs marins ornaient les murs de la taverne. Partout, des filets, des modèles réduits, pendaient librement.
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Il y avait peu de monde en ce moment dans le Newport. Au soir, il y avait même suffisamment de places pour tous les logeurs. Christopher s'installa à une table jouxtant une fenêtre en compagnie de son nouveau condisciple. Dans les jardins, des dames promenaient leurs toutous courts sur pattes tandis que leurs maris, durant la journée, lorgnaient d'un oeil égrillard les jeunes donzelles occupées à se faire dorer le long de la piscine et jouaient aux cartes ou au bridge la nuit venue.
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- Hé bien, commença Christopher. Dites-moi, mon ami, que faites-vous en été lorsque le temps se prête plus à de longues promenades sous les ifs ? Restez-vous ici toute l'année ?
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A venir sur le blog

mercredi 21 janvier 2009

Comment écrivez-vous ? 2

Bien, puisque l'on me demande mes petites manières, je vais m'expliquer même si l'explication 'tue' quelque peu le mythe ...
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Tout d'abord, j'écris quand je le sens. Je mets parfois des journées et des journées à composer mon histoire, je reviens dessus plusieurs fois de suite, je change des passages, des noms, des personnages, je reviens parfois sur mes premières idées ... en clair le texte évolue constamment durant la phase écriture ... ce qui est fixé un jour peut se retrouver changé le lendemain !
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Je peux écrire les histoires tout d'abord sur papier (quand je sais que je devrai vraiment les retravailler) ou alors j'attaque directement avec l'ordi et parfois même directement sur mon blog (ben oui, c'est un peu pour ça que je l'ai créé car en-dehors de cette page, les récits ne sont enregistrés nulle part !!! horreur !!!), continuant le récit quand j'en ressens l'envie profonde.
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Il faut d'ailleurs que le récit m'attire ... c'est un peu sexuel comme mot mais c'est exactement de cette façon que ça marche ... et dans ce domaine précis, je suis assez éclectique ! Mes idées me viennent naturellement ('tain ça fait peur de dire ça !) ... parfois en dormant (dans ce cas, je note cela dans mon cerveau et je le retiens jusqu'au jour prochain), parfois en écoutant une chanson, parfois en lisant un livre, parfois en regardant un film (et pas toujours en rapport avec l'histoire que j'invente ... vous n'imagineriez pas ce que j'ai pu sortir de 'la mélodie du bonheur' !!!). Mais quoi qu'il en soit, il faut que l'idée me percute, que je puisse déjà imaginer le tout presque comme un ciné mental. Si les images me viennent et me plaisent, je garde ... sinon, c'est corbeille !
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Lorsque j'écris, j'aime le calme, je ne rechigne jamais contre un bon verre de vin (Chateauneuf cuvée mon père de JC Bonvin ou alors un Sainte-Croix-du-Mont du château Lafaurie ... mais rien que du français, je suis catégorique sur ce point !), un soupçon de musique (Brel, Brassens, Ferré, Ferrat, Piaf, Grecco, Dalida, Barbara) ou même la télévision ... j'ai écrit 'le coeur du chasseur' avec 'Dawn of the dead' devant les yeux !
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Enfin, je peux aussi me retrouver inspiré par une simple image ou par un style. Dans le cas Lovecraft, ce sont surtout ses imageries qui me parlent tandis que le style me laisse un peu froid. Dans le cas Jean Ray, je ne suis pas toujours sensible à ses histoires mais son style me parfume le cerveau durant des heures. Tout dépend vraiment de mes attentes et de mes envies du moment.
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Quant à mon inspiration : HP Lovecraft, bien sur, Jean Ray surtout, Thomas Owen évidément, Bernard Simonay, Laurent Botti, Peter Straub, Stephen King dans une moindre mesure, Arthur Machen parfois ...
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Et puis, s'il n'y a qu'une chose à retenir : mes envies sont changeantes et versatiles, mes goûts aussi ... mes écrits le seront assurément !
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Une chronique de DorianGray

Les marcheurs

André et Amélie s'étaient tranquillement installés le long de la route avec tout l'équipement nécessaire. Ils étaient en vacances, mais s'il y avait une course à suivre, André était le premier à sauter sur l'occasion. Et à ce titre, Amélie, le mètre cinquante en hauteur et en largeur, aurait certainement répondu que celle-ci fait le larron !
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Il était vrai que les habitants du coin - quatorze vieux fossiles au dernier recensement datant d'avant mai 69 - les avaient appâtés avec leurs descriptions fabuleuses de cette célèbre marche qui réunissait le gratin de tous les villages voisins pour escalader le col du Messentoux.
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André se pourléchait déjà les babines en rêvant de pouvoir lui aussi grimper allégrement cette montagne et montrer combien grande était sa détermination. Malheureusement, à l'instar de sa femme, André était aussi haut que large et avait la fâcheuse tendance de s'arrêter au café du village avant d'entamer un col.
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Les marcheurs seraient cinquante, leur avait-on appris de source sure. Le vieillard à l'oeil torve leur avait même prédit du grand spectacle bien croquant comme autrefois !
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André et Amélie avaient alors préparé leurs affaires et s'étaient arrêtés au bord de la route, juste dans un tournant du col le plus serré. Ils avaient d'ailleurs pu voir que d'autres saisonniers s'étaient aussi installés sous leurs auvents bon marché avec leurs tables chargées de victuailles.
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André pestait d'ailleurs de ne pas avoir pu trouver de meilleure place, la faute à ce gros camping car américain qui bouchait en partie la vue. Et en plus, André n'avait pu en voir les occupants, sinon il aurait fait déguerpir ces étrangers de sa vue, foi de Parisien !
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Au loin, les spectateurs crurent entendre une sorte de caravane publicitaire. Effectivement, quelques vieilles jeeps que l'on aurait pu croire sortie d'un film sur la seconde guerre et décorées de banderoles à la gloire de la centième course grimpèrent péniblement le col et des hommes habillés de vieux uniformes et portant tous de grandes casquettes aux couleurs des villages lancèrent quelques souvenirs. Amélie ramassa deux porte-clés pour les spiritueux Dubonnet tandis que André, légèrement dubitatif, relevait deux sens-bon à la lavande passablement défraîchis.
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On entendit alors des bruits de pas et des cris d'accompagnement venant du bas de la montagne. André sortit ses jumelles mais ne put apercevoir correctement les marcheurs car les cimes des arbres bouchaient la vue. Ils distinguaient tout au plus des sportifs assez rapides malgré leur âge avancé et les problèmes qu'ils éprouvaient à concourir normalement.
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- C'est dommage, fit-il à Amélie, on dirait qu'ils ne sont plus de première fraîcheur. Mais moi, j'ai la dent dure, j'y suis, j'y reste.
- Tu as bien raison mon poulet ... et puis au moins ce sera amusant de voir ces vieux fossiles tenter de grimper ce col sous cette chaleur.
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Les marcheurs abordaient le bas de la côte à présent. André fixa le peloton de tête qui battait des records de marches désynchronisées. Les premiers sportifs portaient des maillots blancs et rouges dont les graphiques lui apparaissaient étranges et peu orthodoxes. Il entendit alors un cri venant de derrière lui et vit un autre spectateur jeter ses jumelles à terre et commencer à courir pour grimper le col.
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André fit le point avec ses propres lentilles et vit alors le groupe de zombie presser le pas, arborant un joyeux sourire carnassier et la langue pendant de faim entre les dents déchaussées et pointues. La chaire grasse des touristes leur donnaient toujours grande fringale.
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- Soyez les bienvenus à Messantoux, chers visiteurs, fit le vieux en sortant de sa cave à vin.
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Il portait un costume franchement démodé mais impeccablement repassé. On aurait dit son costume de grandes occasions, son costume pour le cercueil avait pensé Winnifred.
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- Vous allez rester un jour ou deux, n'est-ce pas ? Demain aura lieu la centième d'une marche unique rassemblant tous les plus vigoureux marcheurs de la commune. Ils grimperont le Mont Messantoux par l'unique sentier qui mène au sommet. Vous ne pouvez pas le manquer, il n'y a aucun autre chemin, la montée et la descente se font par le même chemin. C'est intéressant et surprenant, vous savez ?
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Un récit de DorianGray et Vampireslayer

mardi 20 janvier 2009

Le garçon qui hurlait à la lune

Le village se réveillait d'une nuit froide et brumeuse. Le boulanger avait déjà allumé son four tandis que le fermier s'était déjà occupé de sortir ses bêtes. L'église marqua sept heures et le reste des villageois s'éveillèrent enfin.
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Marc ouvrit les yeux et contempla la masse du bourg surplombé par un beau ciel bleu dans lequel le soleil tentait de percer. Une jolie journée si son père ne lui donnait pas trop de travail. Il l'entendait déjà qui remuait l'âtre en bas et qui se préparait à aller nourrir les bêtes. Sa petite soeur devait dormir encore. Marc se leva, ôta sa chemise de nuit et prépara ses vêtements sur une chaise. Il passa sa chaîne avec la croix du Christ que lui avait donnée sa mère et s'habilla.
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Elodie dormait à poings fermés. Marc lui caressa doucement les cheveux et sourit au petit visage qui s'éclairait. Il aimait tellement sa petite soeur. C'était tout ce qui lui restait de sa mère après tout. Ils descendirent ensemble dans la cuisine où leur père s'affairait autour d'un repas frugal.
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Antoine Dupage regardait ses enfants descendre les marches avec amour et envie. Marc était un garçon beau et blond comme sa mère avec des yeux d'un bleu délavé magnifique. Elodie était aussi belle qu'elle n'était menue et fine comme l'avait été Emilie. Chaque fois qu'il voyait ses enfants, il revoyait sa femme, sa pauvre et chère épouse, décédée en mettant sa fille au monde. Il n'avait plus qu'eux sur terre et il était désormais décidé à tout faire pour les sortir de ce village, pour leur donner un avenir.
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- Vous avez bien dormi les enfants ? Je vous ai préparé un petit déjeuner pour que vous puissiez prendre des forces.
- Merci, papa, fit Marc. Ce sera très bien. Auras-tu besoin de moi aujourd'hui ?
- Je ne pense pas. Tu pourras aller t'amuser dans les bois, mais prends garde à toi ! L'abbé Henry a promis de s'occuper d'Elodie aujourd'hui. Il fera un peu de jardinage avec elle.
- Chouette, fit la petite. Il est gentil, Henry et on fait toujours plein de choses amusantes avec lui.
- Et toi, papa, demanda Marc. Tu vas devoir partir, c'est vrai ?
- Oui, pour trois jours, mais je reviendrai vite. Si les affaires se passent comme prévu, je reviendrai un peu plus riche qu'à l'aller. L'abbé s'occupera de vous pendant mon absence. Ce soir, vous logerez au presbytère. J'irai porter vos affaires là-bas avant de partir.
***
Marc sortit quelques minutes plus tard, après avoir passé un survêtement chaud en laine. Il respira l'air froid de la matinée et se dirigea ensuite vers la boutique du forgeron. Le bourg s'égaillait d'une nouvelle journée de labeur. Marc salua Petit-Jean, le charpentier, au travail sur le toit du meunier. Joseph, le paysan du fond du village, salua le garçon et s'en fut à la recherche de sa fille, Audeline. C'était sans aucun doute la plus jolie fille du village, mais elle était d'un caractère parfaitement versatile.
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Comme tous les garçons du village, Marc ressentait une petite attirance envers cette jeune et capricieuse beauté. Il allait souvent la voir quand elle faisait la lavandière ou quand elle aidait son père aux champs. Il devait faire vite entre deux courses pour son père, mais ce dernier se montrait toujours compréhensif. Il avait été jeune avant son fils après tout.
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Marc suivit le cour de la rivière. L'eau se teintait joyeusement de jolies couleurs mordorées avec les éclats du soleil. Il fallait la traverser pour atteindre la forêt, mais Marc s'en moquait car il nageait très bien, même si à cette période de l'année, il s'agissait plus d'une pataugeoire. Marc entra jusqu'à mi-mollet et traversa au gais. La forêt n'était pas loin et Marc aimait s'y promener. Un jour, il avait même pu y rencontrer Audeline prenant un bain dans l'une des vasques naturelles. Il l'avait entendue plus qu'il ne l'avait vue et de peur de lui faire peur ou même de l'apercevoir nue, il n'avait osé s'approcher.
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Les arbres prenaient à nouveau de belles teintes vertes avec le printemps naissant. La chaleur montait à présent, cran par cran. Bientôt il ferait assez bon pour que Marc ôte sa veste. Le tapis moussu était agréable. Marc aimait s'y promener pieds nus. Il choisit son sentier favori, s'installa sur un rocher proche et ôta ses souliers souples crottés et sa veste. Il les posa sur la roche et entreprit ensuite d'ôter ses chausses trempées. Il enleva son haut de chausse et baissa ses bas. Il savait se retrouver ainsi à moitié nu, mais il savait aussi que personne ne le surprendrait dans ce coin-ci. Il était toujours seul dans ses balades en forêts sans qu'il n'en comprenne la raison. L'endroit était pourtant vaguement idyllique. Après avoir repassé son caleçon, il déposa ses affaires derrière un bosquet et les étendit pour les faire sécher comme il en avait l'habitude.
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La promenade lui fit le plus grand bien. Marc était un doux rêveur et le chant des oiseaux comme le pépiement des oisillons dans les nids étaient pour lui une douce musique. Il aimait le vent sifflotant autour de lui et embrassant ses légers cheveux blonds. Il aimait la fraîcheur d'une brise de mai sur sa peau et plus que tout, il aimait la tranquillité et le silence de la forêt. Les autres enfants de son âge étaient souvent brutaux, mauvais, fourbes et sans réels autres talents que celui de devenir chasseur. Ou braconnier selon les moyens et l'usage !
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Le sentier louvoyait entre des marres paisibles et des bosquets d'épicéa d'un vert tendre. Marc se balada jusqu'à ce qu'il perde totalement la sensation de temps et d'espace. Il trouva une petite clairière agréable et sentant le miel, la mousse et la sève. Quelques roches polies par le temps laissaient libres une vaste place réchauffée par une trouée dans les arbres où apparaissait le soleil bienfaiteur. Il respira à plein poumons l'air frais et se sentit tout ragaillardi. Il ôta sa chemise qu'il posa sur une roche et fit glisser son haut-de-chausse jusqu'à terre. Ainsi totalement nu, il se coucha à même le sol rendu doux et lisse par la mousse et l'herbe fraîche. Il s'endormit en rêvant d'immenses espaces bleutés et de fleurs aux parfums exotiques.
***
Le jeune garçon se réveilla bien plus tard alors que le soleil couchant dardait de ses rayons éteints et orangés les contours naissants des ombres pesantes. Il se leva, éprouvant soudainement un violent mal de tête et constata que l'endroit avait changé durant son sommeil. Bien qu'il sache que cela était impossible, il devait bien se rendre compte que cet endroit n'était pas la jolie clairière où il s'était assoupi quelques temps auparavant.
***
Autour de lui, des fleurs bleues tapissaient le sol comme une marée à l'odeur entêtante. Marc se baissa et ramassa une poignée de ces originalités bleutées. Les fleurs une fois cueillies semblèrent mourir et se flétrir entre les doigts du garçon et finalement elles semblèrent disparaître dans la chair même de Marc. Une douleur violente s'empara de ses membres et il sentit un véritable brasier inonder tout son corps. Devant la puissance de l'assaut, il tomba sans connaissance.
***
Il se réveilla dans un endroit sombre et humide. Mais au moins y faisait-il chaud ! Il se leva et vit ses vêtements posés sur une chaise à coté de son lit. Ils étaient encore un peu mouillés. On l'avait donc transporté ici pour le protéger, espérait-il. Il fit le tour de la pièce. Trouvant la porte, il l'ouvrit et se retrouva dans une grande pièce enfumée et chaude, dressée autour d'un antique cheminée rustique dispensant une lueur fantomatique. Devant le foyer se tenait une vieille accroupie. Marc mit ses mains en coupe devant son sexe et s'avança.
***
- Bon ... bonjour ... madame ...
- Oh, fit la vieille en se retournant. Tu m'as surprise, petit. Alors, tu as retrouvé tes esprits ? Viens ... viens te chauffer ici, viens près de la vieille Anne. Tes vêtements sont encore mouillés, je vais t'en donner d'autres, secs et chauds. Regarde, ils sont devant l'âtre, habille-toi.
- Merci. Qui ... qui êtes-vous ? Comment m'avez-vous trouvé ?
- Oh, je te connais ... tu es souvent venu dans ces bois. Je suis Anne Huffens, la veuve Huffens comme ils m'appellent tous ici. Je vis en bordure de cette forêt. J'ai trouvé une partie de tes vêtements dans un bosquet avant le sentier. J'ai pris peur pour toi et je suis allée à ta rencontre. Heureusement, je t'ai découvert dans cette clairière où personne ne va jamais et surtout où personne ne s'endort.
- Pourquoi ?
- Oh, c'est une longue histoire. Disons que c'est un endroit peu bénéfique à l'être humain. Mais il va être temps pour toi de reprendre ton chemin. Ton père doit être mort d'inquiétude.
- Il n'est pas là pour l'instant. Il est parti pour trois jours au grand marché annuel de Mesançon. C'est le curé qui s'occupe de ma soeur et de moi.
- Alors, habille-toi vite, je vais te reconduire.
***
Le temps que Marc passe les vêtements prévus à son usage, la vieille Anne s'était emparée d'un bâton de marche et d'un sac de provisions. Elle tourna le visage et regarda le corps nu du garçonnet.
***
- Qu'est-ce ? Tu savais que tu avais une marque dans le dos, demanda-t-elle au jeune homme.
- Non, dit celui-ci sans se retourner. J'ai une marque ? Une marque de quelle sorte ?
- Viens donc voir ici par toi-même, je dois avoir un morceau de miroir ici quelque part ... Ah, le voilà, tiens regarde.
***
Ayant enlevé la chemise qu'il était en train de passer, Marc s'avança et offrit son dos nu à la vieille. Anne fit glisser le miroir jusqu'au début des fesses de l'adolescent et Marc vit une griffure rouge et effilée juste au bas de son dos. Comme une déchirure, mais déjà quasiment guérie.
***
- C'est une marque mauvaise, petit, fit-elle en repoussant le miroir. La marque du loup. Je ne sais pas ce qui est mieux entre te garder à la maison ou te reconduire au village. Prépare tes affaires, peut-être que Henry pourra y faire quelque chose !
- Oui, je me prépare. Ma soeur est toujours chez lui, alors ce sera mieux, je suppose.
- Sait-on jamais. Je vais prendre quelques ustensiles qui nous seront peut-être utiles.
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A venir sur le blog

Le coeur du chasseur

Van Hackett détendit ses énormes guiboles sous la table de son bureau d'acajou. Se remémorer ses exploits en Afrique lui donnait toujours la trique. L'envie de revoir ce gros lion à la crinière rousse sautant au-dessus du capot de sa jeep pour l'atteindre. Mais Van Hackett n'était pas homme à se faire prendre ainsi, à la sauvage ! La tête de ce monstre de prétention ornait d'ailleurs le mur devant lui.
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Il relut deux fois ses notes sur son antique machine. La prose lui plaisait. Indubitablement, c'était pour lui du grand cru. Un récit fort sans fioriture, sans effets de style pompeux et angoissants. Cela faisait deux mois qu'il avait été contacté par un éditeur parisien pour écrire l'histoire de sa vie sobrement intitulée 'Van Hackett : le coeur du chasseur'. Une vie passée au service de sa passion pour la chasse, la traque et l'extermination. C'étaient là ses seuls et uniques plaisirs, car il devait bien l'avouer, en-dehors de la chasse et des cuisses chaudes de sa jeune fille, rien ne l'excitait plus.
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Van Hackett ne se considérait pas comme un monstre, mais plutôt comme un dieu, un maître jouissant de ses biens et sa petite Bets en faisait partie. Des jambes comme une pouliche mal grandie mais s'ouvrant sur un sexe joli et ferme, dispense gagnante de la jeunesse. Des fesses rondes et dures aussi qui ramenaient souvent ses pensées profondes vers d'autres profondeurs bien plus agréables que celles de l'Afrique noire.
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Il repoussa les liasses sur le bureau et sortit un cigare rond et sombre d'un tiroir. Coupant le bout avec son minuscule ciseau-fumoir, il l'alluma et profita des première bouffées d'un véritable tabac rustique et prenant. Cela lui rappelait automatiquement ses seize ans, âge auquel son oncle l'avait initié aux choses de la vie. Ce vieux fossile pouvait bien moisir dans sa tombe, il lui manquait chaque jour un peu plus !
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Il regarda le mur et soupira d'aise : deux rhinocéros, trois lions, deux tigres et un éléphant ... bien sur pour ce dernier, il avait du se contenter des défenses mais elles étaient bien longues et affinées par l'âge de la bête. Ses passions ! Et il avait bien envie d'en satisfaire une à l'instant. Il les savait endormies toutes les deux au-dessus et pariait fort que sa femme n'oserait jamais se lever. Elle l'avait surprise une fois dans la chambre de Bets en train de savourer la chatte de sa gosse et il lui avait fait amèrement regretté son cri. Depuis, cette vieille sangsue se tenait coite et restait dans sa chambre malgré les cris.
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Il monta l'escalier d'un pas lourd et mesuré, desserrant son pantalon sous son énorme bedaine satisfaite, sentant déjà l'érection fatale qui gonflait son sexe comme une baudruche. Ramoner cette gamine comme un fou lui procurerait certainement un peu de jouissance avant d'aller se coucher.
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En passant devant le salon, il entendit un bruit faible, comme une discussion à voix basse. Et par dessus tout, Van Hackett avait horreur qu'on lui cache quelque chose ! Il pénétra dans la pièce et alluma le plafonnier. Devant l'écran frituré de la télévision se tenait un jeune garçon d'une petite dizaine d'années engoncé dans un t-shirt bleu nuit et un short délavé et troué. Il tenait son visage penché vers le bas et comme légèrement penché sur la droite.
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Van Hackett regardait le garçon sans comprendre. Un assez joli enfant, les cheveux noirs et drus, la peau blanche et diaphane. Ce petit était son portrait vivant il y a facilement quarante ans. Il ne comprit pas immédiatement ce qui lui arrivait, mais il ne manquait pas de ressource. L'enfant releva la tête et dévoila un visage mort : ses yeux étaient deux trous béants et ses lèvres rougeâtres s'ouvraient sur un gouffre de ténèbres. Van Hackett poussa un cri de surprise et fonça sur l'étranger qui agrippa de ses mains puissantes et dominatrices. Après avoir secoué l'étrange garçon plusieurs fois, il se rendit compte qu'il ne tenait plus entre ses paluches qu'un tas de vieilles frusques. Le garçon avait littéralement disparu.
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Cette satanée expérience lui avait coupé toute envie. Il ressentait une colère vague à se voir ainsi baisé. Et être baisé, il détestait. Il soupçonnait même sa salope de femme d'avoir monté ce traquenard pour le faire chier. Il remonta les dernières marches menant à l'étage et s'arrêta net. Tout le parquet et les murs du palier étaient recouverts d'un épais liquide poisseux. Van Hackett fixa tout d'abord un tas informe qu'il avait bien du mal à déterminer avant de s'apercevoir que sa fille se tenait à l'autre bout du couloir. Elle portait une chemise de nuit maculée de sang et tenait la main d'un garçon.
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Van Hackett comprit son erreur, mais trop tard. Il fixa à nouveau le tas ensanglanté disposé devant lui et sut qu'il était désormais veuf. Un des yeux marron de Liesl continuait à le regarder dans ce magma monstrueux de tripailles.
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- Tes livres étaient intéressants, papa. J'y ai trouvé plein de légendes africaines fort intéressantes, vois-tu. Alors, maintenant, tu dois comprendre que tu vas partir à ton tour vers un au-delà où les crapules dans ton genre vont expier leurs fautes.
- Mes fautes ? Mais pour qui te prends-tu ? Tu m'appartiens comme tout ce que contient ma maison, tu m'as entendu, traînée ?
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Bets serra la main du garçon et recula d'un pas. Deux yeux jaunes et froids apparurent derrière les enfants. Deux yeux gourmands. Les deux jeunes se courbèrent. Le tigre bondit et plongea sur Van Hackett et le mit en pièces. Comme une pitance, la bête apporta le coeur saignant et noirci du chasseur aux deux enfants. Le garçon regarda la fille de ses yeux ténébreux et lui sourit.
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Un récit de DorianGray

lundi 19 janvier 2009

Une collaboration difficile

Les insignes d'un blanc nacré brillaient aux cous des hommes sur le noir ébène de leurs uniformes. Des vêtements aussi sombres que la nuit qui s'abbattait sur une capitale occupée. Les hommes avaient reçu leur ordre de destination ce matin même, au saut du lit. Les véhicules stoppèrent dans la cour d'un petit hôtel parisien.
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Le Hauptsturmführer Heinze fit un signe à ses Standartenjunkers. L'Opel Blitz s'immobilisa tandis que les jeunes hommes, à coups de crosse, obligeaient la famille Baumengold à monter à l'arrière. Un autre camion s'emplissait progressivement des meubles et bibelots des futurs locataires d'un camp très spécial.
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Mathilde Fernard regardait la scène d'un oeil lubrique et vaguement intéressé. Une gamine de cinq ans fut traînée de force hors de la maison et abattue d'une balle de Luger en pleine tête. Tandis que la mère hurlait dans la ridelle du camion, les hommes débarrassaient la rue du corps de la gamine. A coup de bottes, le grand-père fut traîné derrière le mur. Une détonation retentit et les hommes revirent en souriant largement.
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- Bravo, Madame, fit simplement Heinze. Je constate avec joie que tous les Français n'ont pas oublié le sens civique.
- je m'en fais une grande constante, Herr Heinze. Et je constate à mon tour que la légendaire rigueur allemande dépasse, et de loin, les histoires.
- Bref ! Vous trouverez votre compensation pour tant de loyauté à l'endroit habituel. Disons, chez Jacques, demain treize heures.
- Bien Hauptsturmführer, j'y serai sans faute.
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Mathilde Fernard était une 'collabo' comme ils disent. Depuis deux ans, pour quelques billets complémentaires et un peu de considération, elle vendait des familles entières, promises à un avenir affreux. Mais après tout, qui s'en moquait. Ce n'était au mieux que des Juifs ! La plaie de l'humanité !
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Elle se savait suivie depuis deux jours. Suivie par un Français qui plus est. Un homme de son pays qui ne comprenait pas l'importance de la purge prônée par le Führer du Grand Reich de mille ans. Elle savait bien sur qui il était. Un simple petit commissaire du 8ème arrondissement qui la surveillait depuis quatre mois quand ses opérations fructueuses l'avaient conduite dans ce quartier de la capitale.
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Elle savait pourtant comment s'en débarrasser. Mais il lui faudrait encore prendre patience. Elle savait que la Gestapo allait l'écouter. Qu'il s'agisse du capitaine Heinze ou encore du lieutenant Hackerle. Ces hommes-là l'écoutaient toujours en se montraient toujours compatissant envers une pauvre veuve qui avait perdu son fils unique lors des premiers jours du combat.
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Rencontrer ce capitaine demain et ensuite se proposer une finalité d'usage envers ce gêneur. Et peut-être devrait-elle songer ensuite à changer de ville. Les Allemands pourraient protéger une femme de son standing. Elle songeait déjà à Lyon. Sa soeur habitait là et elle pourrait toujours l'accueillir.
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Paris semblait presque éteinte. Les gens se cachaient chez eux, sortant rarement, cherchant à subvenir à leurs besoins par diverses solutions de rechange. Le commissaire Lentier n'était pas du genre à balancer. Il avait toujours été intègre et même cette guerre ne le ferait pas changer d'avis. Il entretenait quelques rapports privilégiés avec l'un des chefs de la police allemande dans la capitale, le major Hauss. C'est grâce à cet homme que de nombreux réfugiés politiques pouvaient rejoindre la Suisse en échange de quelques éléments de sécurité quant aux prisonniers allemands maintenus en captivité en Angleterre. Cela avait commencé de cette manière lorsque le fils du major, pilote à la Luftwaffe s'était fait prendre au cours d'un raid aérien contre Londres. Ainsi, le major entretenait-il des relations 'commerciales' avec la résistance.
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Depuis quatre mois, il surveillait les moindres gestes de cette horrible bonne femme. Une collaboratrice abominable qui prenait plaisir à 'vendre' des familles entières de Juifs à la Gestapo. Hauss comme lui détestait la Gestapo. Il n'était pas nazi, mais il lui fallait reconnaître que ces barbares incultes étaient pour l'instant trop puissants pour quiconque.
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Dans deux jours, il pourrait sans doute en finir une bonne fois pour toutes avec cette Mathilde fernard. Ensuite, il rejoindrait la résistance sur le front normand. D'ici là, il lui faudrait agir avec prudence.
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Le jour suivant, Mathilde dîna fort bien en compagnie de Heinze, vêtu en civil, dans le restaurant indiqué. Une enveloppe contenant quelques tickets de rationnement et différents bons pour obtenir divers produits fut directement empochée. Ensuite, elle exposa son problème au capitaine S.S.
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- Nous réglerons ce problème dès ce soir, très chère, fit Heinze avec suffisance et prétention. Ensuite, nous vous verrons quitter la capitale. Vous nous manquerez. Votre efficacité dans la traque de ce péril était fort appréciable.
- Tout a une fin, capitaine, dit simplement la femme. Et je dois aussi songer à mes vieux jours.
- Bien sur, je le comprends. Nous pouvons donc déjà vous délivrer ces papiers qui seront amplement suffisants pour pouvoir passer la frontière et vous rendre à Lyon.
- Cela signifie que vous ne m'aiderez pas ? Vous .. enfin je veux dire ... vous ne ...
- Nous ne vous conduirons pas directement à Lyon si c'est ce que vous entendez. Je suis désolé, mais la résistance elle-même vous recherche et nous ne pouvons nous permettre de perdre une pareille ... chèvre ... pour le loup !
- Mais ... Vous ne pouvez ... Je vous ai servi du mieux que j'ai pu depuis ...
- Mais toute chose a une fin comme vous le faisiez remarquer plus haut. Nos affaires furent florissantes, mais elles doivent à présent stopper. Contre notre volonté, suis-je obligé de vous le faire remarquer.
- Mais je vous comprends, bien sur, mais j'ai toujours été un excellent ... agent ... à votre service ... alors ... enfin, je ...
- Il suffit ! Il suffit, Madame. Vous venez de recevoir des papiers corrects et valides pour passer d'une zone à l'autre, alors faites-en bon usage, mais n'essayez plus de me convaincre outre mesure. Et maintenant, si cela ne vous fait rien, je vais profiter de mon repas au calme et ... en solitaire.
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Mathilde parcourait les rues assombries de la ville, suant comme un porc à chaque enjambée plus longue que l'autre. Elle soufflait et luttait contre l'envie de se jeter à l'eau. Son coeur battait la chamade comme une gigue de Saint Jean. Elle sentit bientôt le froid de la nuit qui s'insinuait partout à la fois. Les ténèbres recouvrirent bientôt les crocs d'ivoire de Montmartre et les tours massées de Notre-Dame. De Ménilmontant à l'île de la cité, Paris s'apprêtait à s'endormir.
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Mathilde descendit une volée de marches menant aux quais de Seine aussi rapidement que possible, mais stoppa soudain. Un bruit avait attiré son attention.
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- Désolé de vous interrompre dans votre fuite, mais je n'ai vraiment pas le choix que de vous arrêter maintenant. Vous êtes la honte de la nation française.
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Mathilde n'avait aucune raison de répondre à Lentier. Elle devait seulement tenter de lui échapper. Le commissaire sortit une arme de sa poche et l'arma. Avant qu'il ait eu l'occasion de s'en sortir, la femme était sur lui, brandissant un couteau de table. S'agrippant l'un à l'autre dans une véritable danse macabre. Après cinq minutes de combat, ils tombèrent tous deux à l'eau continuant de se frapper tandis qu'ils étaient entraînés.
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L'homme leva son visage de ses notes. Il rassembla ses petites affaires et regarda bien en face la femme qui se tenait vautrée dans le sofa, un coussin appuyé sur sa jambe blessée. Il sourit et reprit sa valise en mains.
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- Vous devrez bien surveiller vos fatigues possibles. La fièvre, surtout, c'est dangereux dans votre état. Prenez bien les préparations que je vous recommande ... mais aurez-vous l'argent nécessaire pour ...
- Ne vous en faites donc pas pour ça ! J'en ai suffisamment pour quitter cette capitale maudite !
- Réellement ? Voilà qui est intéressant ! Et bien je vous laisse donc, je repasserai demain examiner votre plaie. Non, laissez donc cet argent où il est ... vous en avez bien plus besoin que moi !
- Je vous remercie vraiment, docteur ...
- Docteur Marcel Petiot ! Soignez-vous bien, je reviens !
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Un récit de DorianGray

samedi 17 janvier 2009

Nouvel arrivant de grand talent !

Vous l'aurez remarqué assez rapidement, un nouveau membre nous a rejoint voici peu, son pseudo : Zaroff. Est-il nécessaire que je me fasse le chantre de ses capacités narratives ? Je ne le crois pas. Si m'en croyez, lisez dès aujourd'hui les merveilleuses nouvelles qu'il nous offre dans une liberté de ton très décontractée et avec cet émerveillement puissant de la nostalgie. Vous serez, j'en suis, certain, comme moi-même sous le charme de son indéniable talent d'écrivain et de conteur ... à l'heure où les seuls livres vendus sont des briques indigestes et perfides de dénonciation pseudo-scientifiques de complots mondiaux, je suis heureux de pouvoir vous présenter des récits forts, indubitablement aériens et d'une perspicacité qui en met beaucoup à l'abat !

Un écrit de DorianGray