dimanche 26 octobre 2008

Soirée d'adieu


Le soir tombait par les fenêtres étroites du salon. Marthe était assise devant son ouvrage : un magnifique napperon en broderie ainsi que sa mère et sa grand-mère avant elle avaient appris à le faire. Elle reposait sa vue retenue entièrement par son travail à l'aide d'une vieille lampe sourde pendue au mur en face d'elle. La maison était parfaitement silencieuse. Au loin, elle entendait le bruit habituel du ressac.
------------
Le monde s'écoulait depuis cinq ans de la même manière. Trois pièces pour une vie de fin de voie : la cuisine, la chambre et le salon. Sa minuscule maison était bien suffisante, et ce même depuis le départ de ses deux fils sur le continent. Elle savait bien sur au fond d'elle même qu'ils ne reviendraient que pour l'enterrer et filer une fois la propriété vendue. Rien ne les garderait ici. Pas même le souvenir.
---------------
Marthe posa le napperon et se leva. Une bonne tasse de thé lui ferait le plus grand bien. Maria lui avait rapporté du continent un paquet d'excellent thé noir de Chine 'Russie Impériale' au goût fumé et varié. Depuis deux jours, elle rêvait d'ouvrir ce charmant paquet et d'en humer l'exquis contenu. Une bonne tasse bien fumante serait parfaite avant de se reposer. Elle alluma le plafonnier de la cuisine et mit une bouilloire sur le feu. Il faisait si bon dans sa petite maison. Elle avait toujours préféré le chauffage au charbon comme autrefois, mais ses fils lui avait maintes fois expliqué que la vie à la capitale demandait des énergies différentes : le mazout, le gaz, l'électricité. Elle ne parvenait pas à comprendre comment il pouvait être possible de se chauffer avec de l'électricité.
-------------
Lorsque l'eau fut suffisamment chaude, elle déposa un peu de fibres de thé dans sa passoire et fit couler lentement l'eau. Le fumet qui se dégagea lui mit l'eau à la bouche. Les plaisirs étaient rares et toujours surprenants à son âge. Surtout depuis la mort d'Ewen.
-------------
Son mari, sa seule source d'amour et de chaleur, emporté cinq ans plus tôt par une tempête alors qu'il tentait de porter secours à des plaisanciers coincés en mer entre son île et Molène. La maxime disait vrai : qui voit Ouessant voit son sang, qui voit Molène voit sa peine ! Et de la peine, elle en avait, c'était tout ce qui lui restait, malheureusement.
------------
Elle emporta la tasse avec elle dans le petit salon attenant et la posa sur une jolie table travaillée face à son fauteuil, puis elle s'installa confortablement dans le sofa et saisit le livre qu'elle avait commencé ce matin. Pour la millième fois, elle relisait 'pêcheurs d'Islande'. Pour la millième fois elle allait pleurer devant cette vie d'autrefois rude et solide qui faisait les hommes beaux et téméraires et les femmes fortes et consolatrices. L'idée d'une nation qui meurt, l'idée d'un rêve à jamais oublié !
----------------
Quelques heures plus tard, Marthe s'était endormie. Le vent ne parvenait plus à la réveiller depuis fort longtemps. Ils s'étaient installés ici quarante ans plus tôt alors qu'elle était enceinte du premier. En ces temps-là, la vie sur Ouessant avait été loin d'une sinécure, à présent c'était le traintrain habituel !
----------------
Le Créa'ch crachait déjà sa lumière depuis deux bonnes heures, balayant les flots et les côtes déchirées de la plus occidentale des îles françaises. L'immense et puissante lentille frappait déjà l'eau agitée de son éclat blanc laiteux. Les flots semblaient moins déchaînés que deux jours plus tôt, mais nul doute qu'ils le seraient bientôt tout autant ! Brewan surveillait la mer lorsqu'il vit une lueur surgie des profondeurs de l'étendue glacée. La lueur fut suivie d'une nappe de brume si pure et si impénétrable qu'elle paraissait d'autant plus fantastique que le temps se prêtait si peu à pareil phénomène.
--------------
Il connaissait aussi bien que n'importe qui la signification de ce présage et pour rien au monde il ne souhaitait se mettre en travers des plans mêmes de l'Ankou. Il fit comme s'il ne voyait rien, descendit verrouiller la porte de la tour et s'enferma dans sa petite chambre, serrant un chapelet contre sa poitrine. Advienne que pourra si un navire venait à se perdre entre les récifs.Pendant que l'homme se terrait dans son refuge, un être dépenaillé passa lentement à côté des bâtiments et continua sa course vers Lampaul. Les chemins l'importaient peu, il était venu pour quelqu'un et n'était donc intéressé par rien d'autre. Son visage était émacié, froid et lugubre, le visage même de la mort.
--------------------
Sa charrette en avait vu bien d'autres, elle roulait depuis des temps immémoriaux sur les routes de Bretagne, aidant les morts à rejoindre l'au-delà par des chemins directs et protégés. Les hommes avaient beau le craindre ; lui, ne les détestait pas. Il comprenait leur souffrance, leur tristesse et leurs vies étriquées. Il ne comprenait que trop bien leur bref passage si insipide sur cette terre.
-----------
Ce soir, sa mission était difficile et aussi pénible que lorsqu'il venait chercher une femme ou un homme pour le départ. Ce soir, il faisait le chemin inverse. Pour une nuit seulement ! Une nuit bien étrange donc ! Derrière lui, dans sa carriole, un homme voûté se tenait assis tranquillement, tenant dans ses mains un vieux bonnet de marin.
-----------
Marthe s'était couchée tôt ce soir-là. Après sept pages, elle avait senti la lassitude la gagner et s'en était allée rejoindre son lit bien douillet mais aussi bien vide depuis la disparition de son Ewen chéri. Elle rêva qu'elle était debout face au large, attendant son époux de retour d'une pêche abondante avec les anciens marins de l'île, en une terrible journée d'avril 1923.
---------------
Ce jour-là, elle avait attendu, la peur au ventre, le retour des hommes. Elle revoyait encore les traits cernés des vieilles autour d'elle. Elle était l'une des seules jeunes femmes habitant l'île du Ponant. Son mari avait été nommé à la garde des bâtiments d'entretien du Créa'ch. Ils s'étaient donc établis sur l'île et y avaient élevé leurs deux fils.
----------------
Ce jour-là, beaucoup étaient restés. Les bateaux n'étaient pas tous rentrés et Ewan en avait gardé un souvenir horrible. Il avait vu des ... choses affreuses. Jamais il n'en avait touché mot à sa femme, mais elle le connaissait bien, elle savait qu'il s'était passé quelque chose là-bas, en mer, mais elle ne souhaitait pas vraiment savoir quoi !
--------
L'Ankou marchait en direction de la maison, le dos voûté, la jambe raide. Il se sentait vieux, si tant est que ce mot ait une valeur pour lui ! Millénaire ! Voilà la raison de sa présence sur cette partie de la terre. Il devait expier. Expier ses fautes. Fautes qui valurent bien des morts terribles lorsque Ys s'engloutit dans les flots. Derrière lui, l'homme ne disait rien, il était silencieux, muet ... comme une tombe !
-------------
Il fit avancer son cheval dans les creux du chemin et s'arrêta sur une butte herbue. Le canasson s'étira progressivement, puis s'immobilisa. L'Ankou se tourna vers l'homme et lui sourit, si tant est que sa face de cadavre puisse faire passer une grimace pour un rire fugace.
-----------
- Il est l'heure pour toi d'aller vers elle. Elle t'attend. Cette nuit, cette nuit seulement, tu peux aller à sa rencontre, cela t'est autorisé. Profites-en, car le temps ne dure pas toute une vie.
----------
L'âme s'avança, traînant derrière elle sa peine et ses larmes. Le prix d'une vie de labeur et d'amour récompensé par une nuit de partage et d'adieu, une longue soirée d'adieu. Il franchit le portail et frappa à l'huche de trois petits coups secs.
------------------
Le vieux Denclan n'avait pas souvent pleuré, mais ce soir-là était particulier. Il avait perdu son épouse deux ans plus tôt et un mauvais coup de fil venait de lui apprendre la mort de sa fille unique dans un accident de la route. Plus de famille, plus de raison, plus rien à faire, ni à aimer. Il fallait qu'il partage cette ténébreuse nouvelle. Il fallait qu'il parle et qu'il pleure.
------------
Passant de la cuisine où il venait de se vider trois calvas bien tassés, il passa dans le hall. Un téléphone trônait sur un petit guéridon drapé de dentelles de Bruges. L'autre appareil gisait, fracassé, sur le sol du salon. Après un temps qui lui parut considérable, une voix éteinte se fit entendre à l'autre bout du combiné.
----------
- Marthe ? C'est Denclan. Je ... je suis désolé de te déranger si tard ce soir, mais j'ai une nouvelle malheureuse à t'apprendre.
- Je ... je ... Denclan ... une nouvelle triste ?
- Oui ! Lisa vient de décéder dans un accident de voiture. Je ... je peux passer chez toi ... je ne veux pas veiller seul ce soir.
- Hé bien ... oui, bien sur, tu peux venir ... mais ne sois pas surpris ... enfin, si ... tu le seras, pour cela fais-moi confiance. Viens ... viens donc chez nous !
----------
Chez nous ? Denclan considéra avec un peu de peine supplémentaire la dernière phrase de sa belle-sœur. Chez nous ! Heureuse vieille femme qui veillait encore sur l'âme de son défunt époux, son pauvre frère, emporté par les eaux torturées de ce petit bras de mer terrifiant.
-------------
Lorsqu'il approcha de la demeure de sa belle-sœur, il sembla à Denclan qu'une nappe de brume aussi épaisse qu'une bolée celtique encerclait chaque centimètre de terrain. Une forme indistincte attendait sur un monticule proche de la vieille maison. N'y prenant garde, Denclan se gara et avança vers la porte. Cette dernière s'ouvrit immédiatement sur le visage dégoulinant de Marthe.
--------------
- Viens vite, entre, ne reste pas dehors, surtout en ce moment.
- Oui, bien sur ... je ... j'arrive ...
--------------------------
Denclan entra et sentit dans l'air un doux parfum de chaleur et de tisane au goût prononcé de pain d'épices. Celle que son défunt frère préférait : bergamote, boisé, verveine et jasmin. Il s'avança d'un pas dans le petit salon et se retrouva d'un coup chancelant et prêt à s'évanouir.
--------
- Mon frère, dit Ewan d'une voix douce et calme. Mon pauvre frère, te voilà. Marthe ne m'avait donc pas menti ... je peux te revoir toi aussi !
- Non, Denclan, n'aie pas peur. Je peux t'assurer que tu ne fais pas un cauchemar. C'est bien Ewan. Il est revenu pour nous.
----------
Denclan n'en croyait pas ses yeux. Il sentait confusément ses pensées le quitter et il se voyait évidé, aérien, presque diaphane. Il sentait ses trippes se nouer. Il allait vomir. Il ne pouvait pas y croire, pas l'accepter. Il se laissa finalement tomber dans un fauteuil droit et sec du salon.
---------
Ewan ne semblait pas avoir vieilli, ne semblait pas mort pour tout dire. Il ressemblait à l'Ewan d'autrefois, grand, fort, un brin fier et surtout débordant d'amour.
------------
- Comment ... comment peux-tu ...
- Je ne sais pas. On m'a permis de revenir, c'est tout. Je suis venu dire adieu. C'est là ma récompense pour avoir voulu sauver ces pauvres fous de la tempête. Ma pauvre Marthe peut enfin vivre en paix le restant de ses jours. Je suis désolé pour ta fille. Un père ne devrait jamais perdre son enfant.
- Merci ... tu ... tu m'as manqué, Ewan. Et tu me manqueras sans doute encore autant. Je suis heureux d'avoir pu ta revoir une dernière fois.
- Vois-tu, Denclan. Ewan m'a aussi appris la vérité sur son voyage en mer ... sur ce terrible voyage de 1923. Crois-le si tu veux, mais ce qu'il a vu tient de la pure fantaisie.
- J'ai vu Gradlon. Pas celui des légendes, le vrai roi d'Ys. Celui qui a promis que chaque pêcheur mort en mer pour avoir fait le bien pourrait revoir sa famille une fois avant de disparaître à jamais. C'est généreux ... tellement plein d'amour. Je vais bientôt rejoindre finalement les champs marins éternels, mon frère.
-----------
La soirée se passa, des mots furent échangés, des sentiments partagés, des bouteilles ouvertes et à jamais dégustées avec sagesse et parcimonie. Et quand vint le moment des adieux, tout le monde semblait enfin heureux de profiter de cette terre bénie des dieux. L'amour que chacun portait à l'autre permettait sans doute d'accepter le sort d'une vie malheureuse et tournée vers les autres.
----------------
Vers quatre heures du matin, on frappa à la porte. C'est Ewan qui alla ouvrir. Un homme squelettique se tenait dans l'encadrement, les yeux las et la peau déchirée autour des lèvres. Marthe et Denclan se tenaient en retrait.
----------
- Le moment est venu, marin, fit l'Ankou. Il est temps pour nous de rejoindre la paix des champs éternels.
- Je sais, marmonna Ewan. Je te suis, l'Homme.
-----------
Se tournant à demi vers les faces livides des vivants, l'Ankou trouva encore un peu de force pour ajouter : « Vivez votre vie, braves gens. Ne vous souciez pas de celle des autres. Aimez la brise, aimez l'air, aimez la brume même. Respirez la beauté des roses et des bleuets. Votre tour n'est pas encore venu. Nous nous reverrons, mais pas maintenant, pas dans un an, mais après. Ne pleurs pas ta fille trop longtemps, Denclan. Elle est déjà auprès de nous, elle aimerait que tu vives le reste de ta vie avec amour et joie positive. C'était un accident, simplement un accident comme il en arrive souvent ! La tristesse n'est pas une vie, Denclan. Fais ton deuil. Adieu, braves gens. »
------------
La charrette de l'Ankou disparut bientôt entre les rocs enserrant le chemin du Créa'ch. Marthe vécut encore dix-sept ans. Elle renoua avec ses enfants restés sur le continent qui prirent conscience soudain de l'immensité d'une vie solitaire. Quand elle partit, on retrouva son corps tranquillement posé dans son vieux fauteuil, une tasse de thé épicé à coté de la main, le livre béni sur ses genoux et dans ses mains le calot de marin de son époux.
***
Un récit de CarpathianKing

lundi 6 octobre 2008

Le gibier manque ...


Assis près d'une cheminée, quatre gentlemen discutaient de leurs journées de chasse, de qui avait coursé le lion, qui avait abattu le rhinocéros. Très dignes dans leurs fauteuils aux dossiers raides et inconfortables, leurs vies semblaient immuables, transcendant sans secrets les habitudes d'un train-train quotidien empli de névralgie.
------------
Les quatre messieurs corpulents se gaussaient devant des verres d'un rubicond sherry hors d'âge. Les plats arrivèrent bientôt, apportés avec déférence par des serveurs guindés. Anthony Denclan, précédé par sa bedaine imposante, s'avança vers les plats argentés disposés sur une table d'un blanc éclatant.
--------------
- Vos invités seront bientôt des nôtres, demanda Kurt van der Sand.
- Effectivement, répondit Denclan. C'est une partie de la famille que je n'ai plus vu depuis bien longtemps. Jugez par vous-même. Le père, Arthur, mon neveu, sautait pour la dernière fois sur mes genoux à cinq ans. Il en a à présent quarante-sept. C'est dire !
- Cela ne nous rajeunit pas, n'est-ce pas ?
- Effectivement ! Cela ne nous rajeunit pas. D'autant plus qu'ils sont les seuls héritiers de la fortune familiale. Autrefois élevée mais à présent réduite à peau de chagrin. C'est la vie. Personnellement, je préfère mon manque de dividende, mais ma liberté, là où je le souhaite.
- Tu vois quand je pense à tout ça, j'aime que rien ne se perde. C'est ainsi que nous fonctionnons depuis longtemps déjà !
--------------
Les quatre messieurs distingués mangèrent de bon appétit. Les plats furent servis plusieurs fois et finalement chacun quitta la table avec dans le ventre un énorme sentiment de bienfait. Ils s'assirent tous autour de la table du club. Un verre de cognac sec attendait chacun d'eux. C'est donc avec une certaine délectation que les quatre hommes savourèrent comme à leur habitude une fin de journée fatigante et excitante.
------------
L'avion se posa sur la piste quelques jours plus tard. Anthony Denclan attendait sous un auvent de fortune, deux noirs tenant sa voiture à l'abri de la chaleur à quelques mètres de là. Denclan savait qu'il pouvait leur faire confiance. Jamais ces nègres n'auraient osé lui jouer un jeu qu'ils auraient tout de suite amèrement regretté. Il regarda sa famille descendre du Boeing. Un homme dans la force de l'âge, grisonnant, tenant un port de tête fier et hautain, une femme replète et revêche, deux filles, des jumelles de seize ans environ, jolies et assez sexy dans leur démarche et dans leurs vêtements trop courts et trop serrant, et un garçon de quatorze ans, grand, dégingandé, beau et solide d'épaules, habillé d'une simple chemise ouverte sur un torse humide et imberbe et un short blanc ample et bas de taille révélant une absence de sous-vêtements. Cette dernière remarque sembla intéresser et même exciter le vieil homme autant que faire se peut !
-------------
- Arthur, mon petit, cria Denclan, déclenchant un tremblement perceptible chez ses deux serviteurs. Comment vas-tu après tout ce temps ? Et ton père ?
- Votre frère est mort, mon oncle, le mois dernier. Nous aurions voulu vous voir à l'enterrement. Le ton était calme mais Denclan sentait poindre la froideur et le reproche.
- Oh ! Je comprends, fit-il, espérant déjà une éclaircie. Mais j'étais fortement occupé. Une fièvre affreuse et mordante m'avait cloué au lit. Voici seulement deux jours que je suis remis.
- Ce n'est rien, mon oncle. Le principal est de réunir la famille à nouveau. Je peux enfin vous présenter ma femme et mes enfants autrement que sur photos et par le biais de lettres déplacées autant d'inutiles.
- Mais non, bien sur, elles ne furent pas inutiles. J'ai retenu le nom de tout ce petit monde. Madame Wilhelmina Van Seyders, ton épouse et tes charmantes filles, Cléo et Mélia, ainsi que ton fils unique, le mignon Morgan.
-------------
D'un geste radieux et d'un sourire ravageur, la femme s'avança afin de serrer ce parfait inconnu dans ses bras. Elle semblait épanouie, mais son visage chafouin et ses yeux plissés en disaient long sur ses habitudes. Denclan sentait la hargne et la fourberie de tout ce petit monde. Le seul pour il semblait éprouver un peu de pitié était ce jeune homme. Il paraissait malgré ses allures de grand garçon réveillé si frêle et si timide qu'il plus immédiatement au vieil oncle.
----------
La voiture, une range rover longue et large pour accueillir un groupe de touristes, fit le tour de l'aérodrome et se faufila rapidement entre les maisons et les cahutes des indigènes pour rejoindre une piste rougeoyante.
---------------
- L'hôtel est spacieux et luxueux à souhait, dit simplement Denclan. Nous sommes quatre à le posséder : Van der Sand, qui est un ancien de la compagnie des mines hollandaise, Ray qui est scientifique et était venu ici pour étudier la faune locale et Owen, un anglais établi en Belgique et qui s'était retiré dans cette partie de la réserve masaï pour écrire un roman autobiographique. Nous avons fait une petite fortune grâce à des safaris et des visites guidées, ce qui nous a permis de faire construire un véritable palais au beau milieu du désert.
- C'est intéressant, siffla la femme. Il avait compris son air cette fois. Elle aimait l'argent et la possibilité de la mort du vieil oncle lui donnait de véritables extases.
- C'est surtout chaud et humide, dit Cloé.
- Et puis tous ces animaux, siffla Mélia, ça sent le fauve.
- Moi j'aime bien ce pays, déclara Morgan.
- Si cela t'intéresse, je te ferai découvrir la réserve Masaï demain, petit.
- Oh oui, alors ! Ça ce serait vraiment extra. J'ai vu quelques émissions à la maison sur cette tribu, c'est vraiment intéressant.
- Oui, oui, fit le père. Sans doute, mais nous avons d'abord à parler, oncle Anthony et moi. Ensuite, tu pourras t'amuser tant que tu le souhaiteras.
-----------------
Après quatre heures de routes pénibles et pernicieuses, la voiture arriva en vue d'un resort énorme comprenant deux piscines de forme oblongue et une palmeraie d'une grande beauté. Des bungalows étaient disséminés dans le jardin et tous donnaient sur les piscines et sur un lounge central comprenant les bureaux et le restaurant.
---------------------
- C'est assez cosy en effet, fit la femme. C'est beau tout en étant pas extrêmement splendide, en tous les cas, pas dans le sens où nous sommes habitués à le dire.
- Tu as raison ma chérie, ajouta Arthur, mais ceci mérite tout de même le détour !
-------
L'hôtel s'étendait sur une superficie importante. Le petit groupe entra dans la réception et s'assit dans des sofas cossus et moelleux. Le père observait avec un oeil calculateur les différentes décorations et les comptoirs en bois d'ébène. La mère surveillait ses deux gamines tressaillant à chaque passage d'un noir baraqué à moitié nu.
---------
- Je vous ai fait venir en ces douloureux jours pour discuter de ma succession, annonça brutalement Denclan. Je suis vieux. Si, Arthur ! Je suis vieux, j'en ai l'air et le suis. Cela ne servirait à rien de le nier. L'âge est là et je me sens partir doucement. J'ai donc décidé de donner mes biens à ma famille et je vous ai contacté afin de vous rassembler sur ces lieux, dans les seuls biens que je possède.
- Cette nouvelle, oncle Anthony, m'afflige. D'autant plus que nos retrouvailles seront courtes. Tellement courtes.
- Tudieu, fiston ! Je ne suis pas encore mort, mais il est vrai que le temps va me manquer.
- Mais le principal tient dans le fait que nous soyons tous réunis ici même, ajouta finement Wilhelmina. C'est tellement bénéfique pour les enfants surtout. Ils étaient tant heureux de vous rencontrer.
- Mais j'en suis moi-même fort heureux, ma chère. Vous rencontrer et vous recevoir ici est fort intéressant pour moi. Nous aurons d'ailleurs le temps d'en discuter plus longuement dès demain, mais cet après-midi et ce soir, je pense que vos enfants préféreront profiter de la piscine et de l'infrastructure sportive.
- Ils en seront certes bien aise, répondit rapidement la mère.
- Demain, je vous offrirai une journée de véritable safari dans la réserve masaï. Vous pourrez y voir des éléphants, des lions, des girafes ...
- Ce sera super, intervint Morgan. Cela me ferait bien plaisir.
- Silence Morgan, coupa son père. Ce serait en effet bien aimable de votre part, mon oncle. Mais nous n'y sommes pas préparés.
- Peu importe, rassura Denclan. Vous n'avez nul besoin de préparation particulière, ni de vêtements spécifiques. Une jeep vous prendra demain à huit heures et vous reviendrez en soirée pour voir les animaux s'abreuver à une oasis. Ne vous en faites pas, c'est une jeep grand luxe avec boissons fraîches, divertissement et vous serez reçus dans un restaurant de grande qualité durant le temps de midi.
---------
Le père, trouvant sans doute l'idée fort intéressante, accepta rapidement et s'en fut avec sa petite famille ranger leurs affaires dans leurs chambres respectives. Les parents avaient une chambre donnant sur le parc et possédant un jacuzi personnel, les filles avaient une chambre double dans l'aile principale de l'hôtel et Morgan disposait d'une chambre grand luxe dans un bungalow réservé à l'oncle Denclan.
--------
Deux porteurs aidèrent les parents à rejoindre leur chambre, tandis que les filles étaient coduites par l'un des directeurs lui-même, Alexander van der Sand. C'est l'oncle Denclan qui conduisit le jeune Morgan à sa chambre. Elle était spacieuse, possédait un salon privatif, une grande salle de bain en acajou massif et porcelaine blanche, un lit kingsize et un balcon ravissant donnant sur une partie de la steppe africaine avec au loin les lueurs d'un crépuscule orangé. Le gamin posa sa valise sur le lit et remercia son grand-oncle.
------
- Ne me remercie pas, mon petit. Tu me parais bien meilleur que tes parents ou même tes soeurs. Non ! Ne rougis pas ! Je sais ton coeur, fiston, je vois dans tes yeux. Tu n'es pas heureux avec eux, ils sont fourbes, méchants, calculateurs, n'est-ce pas.
- Ce sont aussi mes parents. Et je ne vous connais pas. Jusqu'à présent, ma famille se limitait à père et mère ainsi qu'à mon grand-père qui vient juste de décéder.
- Tu n'avais donc jamais entendu parler de l'oncle Anthony Denclan ? Étrange et amusant à la fois quand on sait que ton père m'a dépossédé d'un héritage qui me revenait de droit.
- Comment ? Père n'est pas un voleur. Il n'a jamais intrigué contre personne !
- Ta langue est belle, comme toi, fils. Mais elle te fait mentir, car ce n'est pas dans tes habitudes de parler ainsi, n'est-ce pas ? Ne joue pas au bourgeois avec moi, mon chéri, cela ne pourrait t'aider. Laisse-moi faire de toi un homme puissant, Morgan. C'est toi qui héritera de mes terres, de ma richesse et de mon domaine. J'ai menti à ton père. Je possède tout ce domaine, cet hôtel, une partie de la réserve et bien d'autres terres au-delà du Katanga ! Tout cela sera pour toit, mais chut ! Personne ne peut encore le savoir.
- Je ne vous comprends pas. Mais mon père n'acceptera jamais que je sois votre héritier. Ce n'est pas ainsi que cela va.
- Et pourtant, fils, c'est ainsi que cela ira. Allez, va donc prendre une douche, tu ruisselles. Si tu souhaites profiter d'une piscine douce et tranquille, je te signale qu'il existe une piscine privée sur le toit de ce bungalow. Je te laisse les clés si tu souhaite y aller ... seul. De là, tu auras une vue splendide sur un massif rocheux parfaitement superbe au soleil levant.
---------
Morgan était éberlué d'avoir ainsi fait la connaissance de son grand-oncle Denclan. Il ne comprenait pas la moitié de ce que voulait lui dire cet homme, mais après tout, il était venu ici pour s'amuser, pas pour écouter des idioties sur le compte de son père, de son grand-père, ou de toute cette maudite famille même. Il n'en avait cure. Il déboucla sa valise, mit ses affaires dans les armoires mises à sa disposition et finalement se dirigea vers la salle de bain. Elle était encore plus grande lui semblait-il que celle de ses soeurs dans leur demeure de Fleet Street. De superbes meubles jonchaient le sol en parquet. Il s'avança, ôta sa chemise, se regarda dans le miroir et entreprit d'ôter son short. Ainsi complètement nu, il parvenait à peine à se rafraîchir. Il se tourna vers la douche et fit couler l'eau. Une bonne douche le remettrait d'aplomb. De l'autre coté de la paroi, dissimulé derrière une vitre sans tain, un homme ne perdait rien de la scène. Il regardait le jeune homme nu avec un plaisir sincère et une excitation profonde.
---------
- Alors, comment est-il, demanda Denclan.
- Excellent, ricana Owen. Un corps superbe. Jeune, fort jeune et tendre. Son corps me plaît beaucoup.
- Il ne sera pas pour nous. C'est quelqu'un de bien.
- C'est bien la première fois que je te vois sentimental. Cela ne t'a pas gêné d'être monstrueux envers nos familles, Denclan. Lorsque tu violas le jeune fils du cousin de Ray, te souviens-tu ?
- J'étais jeune à l'époque, Owen, très jeune. Celui-ci ne devra plus être surveillé. Il restera vivant, je te l'assure.
- Bien, selon tes voeux. Chacun décide pour les siens, c'est bien ainsi que nous l'avions décidé.
- Exactement. Ses parents et ses horribles soeurs seront les seules victimes.
- Bien Denclan.
---------
Morgan termina ses ablutions et se sécha. Finalement, il s'habilla d'un short de bain bleu et monta sur le toit. De là, il pouvait bénéficier d'une vue superbe sur la vallée qui accueillait l'hôtel tout entier. Le sol du toit était bouillant. Il y installa une serviette propre trouvée dans sa chambre et s'allongea quelques minutes. La chaleur de cette fin d'après-midi était étouffante. L'Afrique était tellement belle, mais tellement chaude pour un Anglais habitué à la bruine et au brouillard. Il ôta son short et se trempa dans l'eau douce et chaude de la piscine. Bientôt, une jeune serveuse lui apporta un plateau empli de snacks et d'un grand verre d'un cocktail coloré. Morgan s'enfonça sous l'eau et porta ses mains en coupe au niveau de son pénis.
----
- Pour votre plaisir, dit la jeune fille. Vos soeurs ne sont pas aussi pudiques que vous. Si vous avez besoin d'autre chose, quoi que ce soit, faites-moi appeler. Je serai toujours prête à vous satisfaire.
- Merci, mais là, j'aimerais vraiment que vous me laissiez.
- Dois-je faire cela ? Votre oncle m'a demandé de veiller sur vous. Votre nudité ne me choquera pas. Vous pouvez sortir de cette eau et profitez des bienfaits de tout ce que peut offrir cet hôtel.
- Étrange hôtel en vérité, ricana Morgan. Vraiment, je n'ai nul besoin de vous, merci quand même.
---------
Dès que la fille s'en fut, Morgan sortit de l'eau, s'enveloppa dans sa serviette et, laissant là le plateau, descendit dans sa chambre. Il s'enferma et commença à fouiller son paradis artificiel. Pendant ce temps, ses parents étaient installés avec l'oncle Denclan et son ami, Gérard Ray, dans des transats confortables donnant sur l'une des piscines. Des serviteurs allaient et venaient autour d'eux, puis s'en retournaient vers les autres clients. Tout semblait fait pour ceux qui aiment le luxe, la prétention et la jouissance.
-------
- Ainsi donc notre fils préfèrent rester dans son bungalow, demanda nerveusement la mère.
- Oh, il semblait malheureusement un peu indisposé par la chaleur. Il m'a dit qu'il resterait dormir quelque peu au frais, puis nous rejoindrait au restaurant. Vos filles ne sont pas là, elles non plus ?
- Si, répondit le père. Elle batifolent dans l'eau avec ce grand maître nageur bronzé qui faisait des longueurs étrangement à leur niveau.
- Je sens poindre une réprobation dans vos paroles, souligna Ray. Pourtant, il ne faut pas. Ce jeune maître nageur est mon fils unique. Il ne fait aucun mal, croyez-moi.
- Je ne voulais pas vous indisposer, cher monsieur, se pressa d'expliquer Arthur Denclan. Ce n'était pas mon intention. Mes filles sont jeunes, voilà tout.
Sur les entre faits, les deux gamines et le jeune homme s'approchèrent des adultes.
- Papa, fit le nageur. Je voulais aller montrer l'étang et les ibis à ces deux charmantes demoiselles. Le permets-tu ?
- Bien sur, Adrien. Si cela n'ennuie pas les parents de ces jeunes beautés.
- Faites, faites, les enfants, sourit le père. Ne vous gênez pas pour nous. Nous discutions à l'instant de ce magnifique domaine. Faites donc !
- Merci monsieur, merci papa.
- Merci, père, firent les jumelles avec cette même voie pinailleuse.
---------
Les trois adolescents tournèrent au coin du bâtiment principal et disparurent à la vue des adultes. Adrien Ray allait devant tandis que Cléo et Mélia faisait bouger leurs fesses rebondies avec ostentation, comme si le monde devait s'arrêter d'un seul battement de leurs cils. Derrière la réception, un étang entretenu avec amour était entouré de plusieurs petits kiosques de bois recouverts de feuillages verdâtres et surmontés de myriade de fleurs jaunes et roses. Dans l'eau, quelques ibis paresseux se miraient dans les eaux sombres et profondes.
-------
- C'est père qui sera bientôt l'un des propriétaires de cet hôtel, fit Cléo avec la simplicité d'un agent d'assurance.
- Et il nous le laissera certainement, dit Mélia qui ne doutait visiblement de rien.
- Vous êtes parfaitement à l'aise ici ! Pourquoi pas, fit le jeune garçon d'un air entendu. C'est un très beau pays, vous savez.
- Ce n'est pas tant le pays qui nous intéresse que ce qu'il peut rapporter, annonça directement Cléo. Donnant, donnant, c'est la loi !
- Donnant, donnant, demanda le nageur.
- Donnant, donnant, répondit Mélia avec satisfaction.
- Et si j'ôte mon maillot, vous enlevez vos vêtements ?
- Non, fit Cléo brusquement. Quelle est cette demande infamante ?
- Ce n'est en rien infamant. Nous allons nous voir plus souvent de ces moments. Cela ne vous plairait-il pas de se faire un petit plaisir de temps à autre ?
- Cela ne se fait pas, ronronna Mélia. C'est dégoûtant.
- Dans ce cas, c'est réglé, dit simplement le garçon. Dommage.
- Attends, le stoppa Cléo. Ne sois pas si rapide. Tu n'as jamais appris à draguer. Tu es toujours aussi direct ?
- Toujours. Pourquoi attendre. Prendre du bon temps et ensuite travailler, c'est comme cela que je vois l'avenir.
- Bon Dieu, au moins t'es certain de ce que tu feras demain, toi, affirma Mélia. Regarde, je vais te faire un cadeau pour ne pas que tu aies réaliser tout ce chemin pour rien.
---------
D'un geste ample, la fille enleva le dessus de son bikini, révélant des seins énormes et bronzés, gonflés de jeunesse et s'ornant de jolis tétons épais et d'un brun-rouille passionnant. Elle se massa deux fois les seins pour faire exciter ses mamelons et ensuite sourit bêtement au garçon. Celui-ci restait éberlué, les yeux fixés sur la poitrine suave de l'adolescente. Il lui sourit bêtement et baissa son slip de bain, dévoilant un pénis lourd et humide. Son gland était tendu au garde à vous et dégoulinait de sperme chaud. Il s'approcha de Mélia et tendit ses mains vers le seins pointés devant lui.
--------------
- Adrien ! Veux-tu te comporter convenablement. Rhabille-toi ! Désolé mesdemoiselles, fit un homme aux manières onctueuses. Adrien n'est pas méchant, mais seulement un peu ... limité, si j'ose dire.
- Je ne suis pas certaine que limité est le mot qui lui convienne, siffla Cléo en lorgnant d'un oeil ravi la bite énorme du garçon. Nous allons retourner à notre chambre si cela ne vous gêne pas. Papa pourrait être curieux et venir faire un tour par ici ! Bye Adrien, au revoir Monsieur ...
- Owen, Thomas Owen, comme l'illustre écrivain. Je suis un des directeurs de cet hôtel. Au revoir mesdemoiselles.
-------
Les gamines s'avancèrent d'un pas raide en gloussant et furent bientôt hors de vue. Owen se retourna vers le garçon qui s'astiquait à présent généreusement le manche dans l'espoir de le voir dégonfler.
---------
- Idiot ! Tu ne peux t'empêcher de toutes te les tapper, hein ? Toujours penser avec ta bite plutôt qu'avec ton cerveau !
- Je n'en peux rien, oncle Thomas. C'est plus fort que moi. Quand je vois leurs culs et leurs seins, je me sens tout drôle, j'ai envie de les violer et ensuite de leur faire mal.
- En attendant, il va falloir que je m'occupe de cette grognasse et que je sois convaincant comme toujours. Tu te rends compte que tu risques à chaque fois notre peau en t'affichant avec toutes les greluches qui passent par ici. Si des clients t'avaient apperçu ?
- Pas de chance que cela arrive et tu le sais aussi bien que moi. Nous entretenons chacun nos petits secrets, n'est-ce pas. Et c'est moi qui m'occupe de la palmeraie. C'est mon domaine !
- Soit ! Dépêche-toi d'emmener ces filles dans leur chambre et montre-toi autrement plus intelligent à l'avenir.
----------
Wilhelmina, Arthur, Mélia, Cléo et Morgan étaient attablés autour de plats fabuleux lorsque Denclan fit son entrée, suivi par une troupe entière de personnages d'un certain âge, certains accompagnés de jeunes hommes prévenant. Tous prirent place autour de la même table et Denclan fit bientôt les présentations.
----------
- Voici Gérard Ray que vous avez pu voir tout à l'heure et son fils, Adrien. Le grand jeune homme ici est Antoine, le fils de Thomas Owen, l'un de mes bons amis. Vous aviez déjà pu rencontrer Alexander van der Sand qui est l'instigateur de notre domaine ici en pleine réserve. Et voici enfin Emilio Di Pridio, notre réceptionniste et notre secrétaire, accessoirement. C'est lui qui gère réellement l'hôtel. Vous remarquerez avec étonnement j'en suis sur l'absence de compagnes. C'est ce qui explique notre présence ici. Nos épouses sont malheureusement disparues avant nous, nous laissant seuls ici comme de vieux légumes trop cuits par un soliel brûlant.
- Hé bien, enchanté, tous, dit bêtement Arthur Denclan. Nous sommes tous les cinq vraiment heureux de pouvoir être reçus aussi bien parmi vous. N'est-ce pas les enfants.
- Bien sur, père, répondirent les trois jeunes en coeur.
----------
Owen jeta un coup d'oeil à Adrien Ray qui lui fit un semi-sourire de compréhension. C'est Morgan qui commença à trouver le jeu louche lorsque les serveurs apportèrent les plats à table. De grands plateaux d'argent furent disposés au milieu de table et après une minute qui sembla une éternité, les couvercles furent enlevés et des extraits de cuisine immonde apparurent. Arthur se leva d'un bond en hurlant.
---------
- Mais qu'est-ce que c'est que cette horreur ?
- Asseyez-vous, Arthur, fit mielleusement Denclan. C'est impoli de se lever de table quand nous recevons des invités pour souper !
- D'ailleurs, il nous faudra bientôt entreprendre notre chasse habituelle et nous gâcher l'appétit serait extrêmement mauvais, ajouta le plus simplement du monde Ray. Ceci est, je trouve, outrecuidant.
- Mais vous êtes des malades, hurla Wilhelmina. Arthur !
- Silence, femme, siffla Owen. Votre présence à notre illustre tablée, emplie de dignes représentants de l'espèce humaine n'est que partiellement acceptée !
Quatre serviteurs musclés apparurent à l'autre bout de la salle, se saisirent des membres vivant de la famille et les forcèrent à s'assoir.
- Si vous ne mangez pas, veuillez au moins avoir le privilège de vous taire, mon neveu. Vous m'exaspérez !
- Mais qu'est-ce que c'est que ce cauchemar, implora Arthur.
- Un cauchemar, old boy ? Mais pas du tout ! Depuis maintenant plus de vingt ans, nous évitons à nos mauvais membres familiaux d'entrer en possession de fortunes ne leur revenant pas de droit ! Vous avez usurpé mon identité pour faire main basse sur les possessions de feu mon père, comme mon si audacieux frère l'avait fait avant vous. Paix à son âme, il n'aura pu bénéficier de la finale que je vous réserve. D'autres ont péri de la même manière avant vous ! Car vous allez mourir Arthur et votre corps garnira mes plats de la même manière que ces clients peu fidèles garnissent mes plats d'aujourd'hui.
---------
Devant les yeux effarés de Morgan, sur un plateau superbe incrusté d'émail blanc, se tenait un bras soigneusement tranché et écorché de frais reposant sur un lit de champignons et recouvert d'une sauce s'apparentant à la sauce gribiche. Le garçon ne pouvait détacher ses yeux de ses morceaux humaines trempant dans des sauces brunâtres. A ses cotés, sa soeur ne bougeait pas, restant de marbre comme si elle avait été droguée avec un calmant profond et fort. Cléo, elle, ouvrait et refermait la bouche comme un poisson hors de l'eau. Wilhelmina hurla encore une fois à s'en faire exploser les tympans. D'un geste vif comme l'éclair, Owen s'avança vers elle, se plaça dans son dos et lui enfonça une lame aussi longue qu'un bras en travers de la gorge, détachant presque complètement la tête du tronc. Avec un gargouilli horrible, Wilhelmina s'effondra sur la table, éclaboussant ses filles d'un sang noir et épais. Tous hurlèrent brièvement jusqu'à ce que Wilhelmina s'arrête de bouger.
---------
Les regards se portèrent bientôt sur Denclan. Le gros homme riait de bon coeur, entouré de ses amis aussi fous que lui. Ils prirent quelques morceaux de viande et s'en empifrèrent avant de déclarer d'une voix unique : « c'est maintenant le safari ! »
-------
- Hé oui. Maintenant, le jeu va commencer. Vous allez disposer de quelques heures pour avancer et tenter de nous échapper. La savane s'offre à vous sur de nombreux kilomètres. Si vous parvenez à rejoindre un endroit habité, vous serez sauvés ! Autrement, mes amis et moi vous chasserons, vous trouverons et vous abatterons. Et ensuite vos corps seront choyés par nos cuisiniers ... un vrai délice parfumé !
- Vous êtes cinglés, fit simplement Arthur.
- Cinglés ? Peut-être mon cher, mais c'est en partie à cause de gens comme toi et ton monstrueux père que nous le sommes devenus. C'est ainsi que nos familles paient pour leurs perfidies. Décidez-vous, partez, ne perdez pas votre temps. Dès que l'aube pointera le bout de son nez, nous nous mettrons en chasse et croyez-moi, nous ne vous louperons pas ! Courrez, volez, filez ... ou périssez ... c'est une belle formule, n'est-ce pas ? Certes un peu convenue voire stéréotypée comme dans un de ces vieux films d'autrefois, mais je l'aime toujours autant ! Pars Arthur, sauve tes enfants.
-----------
Les quatre parents se levèrent comme un seul homme, leurs traits étaient tendus, pétrifiés. Ils tremblaient des pieds à la tête. Arthur fut le premier à réagir. Il décampa vers la réception, laissant ses enfants se débrouiller seuls. Cléo et Mélia le suivirent rapidement, se perdant dans les ombres ténébreuses de l'hôtel.
-------
- Réfléchis à ce que je t'ai dit, Morgan. Je ne ferai pas deux fois la même offre. Peut-être survivras-tu ? Cela me plairait beaucoup ! Allez, file à présent, ou je ne pourrai plus répondre de mes hommes.
---------
Morgan fuit au plus vite, serrant contre son coeur le souvenir unique de sa mère égorgée sur une table d'un blanc autrefois immaculé. Il courrut et courrut durant des minutes qui lui parurent des heures. Le sable et la savane. Tout autour de l'hôtel. Il n'y avait rien à voir, rien pour se reprérer. Mais il savait parfaitement où se rendre. Il avait vu un endroit du haut de son logement et songeait qu'il pourrait y trouver une possibilité de survie. Ce ne pouvait être une erreur. Là, il trouverait.
-------------
Le vent souffla une grande partie de la nuit. La savane fut bientôt agitée par une brise venue des hautes terres . La chaleur revenait rapidement. Le soleil n'allait pas tarder à apparaître. Cléo et Mélia étaient transie de peur. Elles avançaient péniblement à travers les herbes hautes et les fouillis durs et broussailleux. De temps à autre, elles percevaient des bruits étranges d'animaux, des souffles, des cris et des ricannements de singes. Le soleil pointait sa tête derrière une masse montagneuse à quelques centaine de mètres devant elles. Elles hâtèrent donc le pas, espérant pouvoir trouver là un peu de réconfort.
----------------
Pendant ce temps, Arthur était parvenu à une marre et s'était hydraté. Il restait choqué et ne parvenait pas à comprendre comment il avait pu se trouver mêlé à cela. D'un geste déterminé, il chassa les mauvais souvenirs et se remit en route. Soudain, à quelques dizaines de mètres, il vit deux hommes, arnachés pour aller au combat, qui arpentaient la savane. Il reconnut rapidement Gérard et Adrien Ray. Les deux hommes paraissaient aussi fous l'un que l'autre. Gérard portait un ensemble digne des gloreuses années des colonies et Adrien portait un treillis vert sur son torse huileux. Il brandissait une carabine à air comprimé munie d'un visuer infra-rouge qui ne lui serait d'aucune utilité durant le jour. Mais durant la nuit, il en serait tout autrement. Arthur se baissa et lentement se mit à ramper vers le plus vieux. Ray soufflait et suffoquait sous un soleil déjà perçant. Il s'assit finalement sur une pierre plate et fit signe à son fils de continuer le chemin seul, sans l'attendre. Arthur savait qu'il ne pouvait attendre. Ce serait ce moment ou aucun autre. Denclan l'avait apparemment sous-estimé et les stages de survie payés par son entreprise se révélèrent payants. Avec une certaine grâce, il parvint à rejoindre Ray et saisissant le couteau de cuisine qu'il avait réussi à subtiliser sur la table dans l'affollement de la nuit, il transpersa la gorge du vieil homme tout en saisissant son visage entre ses mains. Le vieux émit un gargouillement attroce et s'effondra bientôt, le sang giclant hors de la blessure avec beaucoup d'aisance. Après un moment de répit destiné à reprendre ses esprits, Arthur saisit le fusil de Ray et s'avança à la poursuite de son fils.
-------------
Morgan était parvenu au rocher. C'était en quelque sorte une double bosse imposante, creusée en son milieu et comportant une sorte de caverne aménagée. Morgan s'y était installé quelque peu pour se reposer. Au fond, il avait trouvé des barres de métal et un couteau cassé, mais encore utilisable. Il s'était donc installé sur un poste de vigie aménagé et attendait de voir des hommes approcher. Il était prêt à défendre chèrement sa peau.
--------
Ce furent les filles qui rencontrèrent les premières l'équipe de Denclan. A moitié effondrées, elles entendirent derrière elles un bruit étrange, comme un ronronnement puissant. Se retournant, elles apperçurent au loin un objet se déplaçant dans le ciel orangé de ce début de journée.
-----------
- Mon Dieu, un hélicoptère, hurla Mélia. Ils ont un hélicoptère. On est foutues.
- On est foutues si on le pense, hurla aussi fort Cléo. Il faut essayer de s'en sortir. Bouge-toi !
- Mais je suis si fatiguée se plaignit Mélia. Peut-être qu'ils accepteront de nous laisser envie si on leur offre quelque chose.
- Que veux-tu leur offrir ? Ton corps ? Ta virginié ? Désolé, ma chérie, mais cela fait déjà deux ans que tu l'as perdue. Avance je te dis, fonce vers cette butte au loin. Fonce et ne te retourne pas ! Grouille-toi ! Fonce !
- Mais ... et toi ?
- Fonce, connasse, je vais faire mon possible pour les retenir. Fonce et sauve ta peau, vite !
- Cléo, viens, ne me laisse pas ! Je t'en prie !
- Fous le camps d'ici, fuis, je t'en prie ! Je vais trouver une solution.
---------
Mais il n'y avait aucune solution et Cléo le savait ! L'hélicoptère se posa à quelques pas d'elle seulement. Denclan était assis au poste de pilotage avec Di Pridio. Owen descendit de l'appreil, ajusta son viseur et tira. La balle frôlla la jeune fille. Cléo poussa un cri étranglé. La seconde balle ne la rata pas : au millimètre près, elle perfora l'oeil droit de Cléo et s'enfonça dans son cerveau avec une facilité écoeurante. Mélia hurla et s'écroula sanglotant comme un pauvre animal pris au piège. Owen poussa un cri de joie et frappa deux coups sur la carlingue de l'appareil. Ce dernier s'éleva lentement dans les airs et repartit dans une autre direction. Owen venait donc en juste cause réclamer son dû.
--------------
Morgan n'avait rien perdu de la scène. D'une foulée sure et précise, il rejoignit son autre soeur épouvantée, la releva de force et lui intima l'ordre de poursuivre. Il fallait rejoindre rapidement la sureté du rocher.
-------------
Owen regarda les deux jeunes gens s'enfuir vers la masse toute proche. Les tuer serait un plaisir fin et délicat. En attendant, il allait se repaître de sa victime, de ce petit cadavre méprisant, brisé à ses pieds. Il sortit une lame longue et éfilée de sa poche dorsale et s'approcha du corps sans vie de Cléo.
-----------
- Appuie-toi sur moi, là, fit Morgan. Grimpe, dépêche-toi. Il faut qu'on s'apprête à le recevoir ici.
- Non ! Non ! Je ne veux pas le voir, je ne veux pas le voir !
- Mais nous n'avons pas le choix. Il faudra le combattre ou mourir. Cléo a donné sa vie pour toi ! Tu as toujours été la plus inutile, la plus greluche des deux. Alors, pour une fois dans ta vie, montre-toi courageuse, montre-toi forte et bouge-toi.
----------
Mélia regarda son frère avec des yeux hagards, puis lui retourna une baffe bien claquante. Morgan accusa le coup, fixa sa soeur et lui sourit tendrement. Ils grimpèrent les roches avec difficulté et bientôt se retrouvèrent à l'abri des enfractuosités. Morgan prit une barre de métal et la planta dans une roche fendue qu'il avait remarquée. Il obligea Mélia à descendre dans la grotte et se cacha contre la paroie sud. Il savait comment attirer les autres chasseurs, mais il hésitait encore sur la façon de faire. Il commença à retirer ses fringues et se retrouva bientôt en caleçon et chaussettes. Il déposé les vêtements sur une roche plate et attendit.
----------
Owen grimpait avec une facilité déconcertante pour son âge. Il atteignit rapidement le dessus et fixa le trou dans lequel Mélia s'était refugiée. Il ricanna et s'avança vers la fosse. C'était ce qu'attendait Morgan. D'un coup bien ajusté, il frappa le vieil homme dans les tibias avec une force surprenante. Owen hurla, se cambra, ne put éviter l'écart et bascula dans le vide. La barre métalique le reçut violemment et il s'empala le torse premier sur le morceau de féraille !
------------
Denclan visionnait toute la savane depuis le poste de pilotage. Il indiqua bientôt un objet dans les herbes hautes. Un corps !
------------------
- Bon Dieu, fit-il amusé. C'est le vieux Ray. Finalement, il s'est fait avoir. Descends, dit-il à Di Pridio. Faut que je vois où est Arthur ou Adrien.
-----------------
Adrien n'avait pas survécu longtemps à son père. Sa folie était telle qu'il ne pouvait plus se contrôler. Il s'était installé sur un arbre et fixait l'horizon de ses jumelles, recherchant les fugitifs à travers la steppe. Arthur le fixait, couché dans les herbes e s'approchait inévitablement du mirador naturel. Le tuer relevait d'une folie pure et simple. Le type était plus dangereux qu'une bête prise au piège dans un trou ! Arthur tenta pourtant sa chance, il épaula lentement et fixa le jeune homme. Encore quelques secondes et il essaierait de se le faire. La tension le faisait ressembler à une grosse caisse dans un orchestre de bal populaire. Le sang battait à ses tempes avec insitance. Il arma lentement, n'entendant pas Denclan qui s'approchait. Il n'eut pas le temps d'en apprendre plus. Une balle lui traversa le crâne, faisant exploser sa tête dans une gerbe magnifique de teinte rose et rouge vif.
------------------
- Idiot, cracha Denclan à l'adresse d'Adrien. Tu n'es vraiment qu'un sal con. Un incapable, tu ne vaudras jamais ton père.
------------------------
En disant cela, Denclan venait d'épauler une seconde fois. Avant que le jeune homme puisse bouger un seul muscle, Denclan l'abattit froidement. Le corps tomba et s'écrasa dans la terre rouge du désert. Denclan retourna vers l'hélicoptère d'un air entendu et dédaigneux.
-------------------
- Avance, fit-il à Di Pridio. Recherche les fugitifs, trouve-les et attends-moi, je vais arriver par la piste. On ne sait jamais !
-------------------------
L'appareil s'éleva et s'avança vers les hauteurs rougeâtres à l'ouest. Lorsqu'il arriva, la première impression de Di Pridio fut d'avoir été plus rapide et plus intelligent que tous les autres chasseurs. L'affaire était entendue. Il voyait les deux jeunes gens au creux des roches. Ils ne bougeaient pas, tétanisés sans doute. Faisant fi des ordres du patron, il sortit son fusil et maintint l'appreil en vol stationnaire. Il allait se faire un plaisir de trouer la peau de ces connards et ensuite logerait une balle dans la tête de ce prétentieux de Denclan. Il régla la visée et ...
------------------------
- Putain, qu'est-ce que c'est que ça ? Ces gosses de merde ont laissé leurs vêtements sur place. Mais Bon Dieu, où sont ...
------------------------
Morgan s'adossa à la roche, pointa la flingue pris sur le corps d'Owen et fit feu. Il s'y était mal pris et n'était certes pas habitué à viser et à utiliser un fusil de chasse. La balle siffla dans l'air et frappa le bas de la carlingue de l'appareil. Di Pridio poussa un petit cri et reporta son regard sur un autre coin de la roche. Il ne parvenait pas à voir ce satané tireur et il devait pourtant être là. Morgan s'appliqua mieux et s'appuya contre une roche plate. Il épaule le fusil et visa le cockpit. Le coup partit à nouveau et vint frapper le verre qui s'étoilla et laissa un trou là où la balle avait traversé. Di Pridio repporta son regard vers l'endroit d'où il pensait avoir vu un éclair léger. Le gamin ! Nu comme un ver, son caleçon déchiré et couvert de terre passé sur ses cheveux sombres, une chaussette nouée autour de son pénis afin de cacher ses poils pubiens. Il ne l'avait pas vu car le gamin s'était littéralement roulé dans le sable.
-------------------------
Di Pridio exhultait. Il visa le gamin et s'apprêta à faire feu.Un léger courant d'air fit descendre l'hélicoptère. Le pilote récupéra le manche d'un geste rapide. C'était l'occasion rêvée. Morgan visa une dernière fois et tira. La balle toucha la verrière, s'enfonça et se planta dans l'épaule de Di Pridio. Hurlant de rage, le pilote impliqua une torsion au manche à balais, ce qui eut pour effet de faire virer l'hélicoptère à droite. Denclan épaula, visa et fit exploser la boîte crânienne du pilote. L'appareil battit en retraite et s'écrasa avec lenteur sur le sol de la savane. Les rotors hurlèrent et se fracassèrent contre la terre, éclatant et volant en tous sens.
-----------------------
Denclan s'avança en souriant vers les roches. C'était l'instant de grâce. Morgan se replia vers le gouffre. Sa soeur s'était enhardie et fouillait à présent le corps étendu d'Owen. Morgan lui fit signe de se replier dans la creux. Mélia n'en croyait pas ses yeux. Elle voyait son frère complètement nu pour la première fois. Nu dans ce désert, à un moment qu'elle était incapable de comprendre, dans une situation tellement étrange qu'elle ne parvenait pas vraiment à saisir. Mais le pire était ses yeux, des yeux éteints, tristes, malades. Elle allait reculer lorsqu'un coup de feu siffla à ses oreilles et fit éclater un morceau de roche derrière elle. Elle s'immobilisa directement, commençant à pleurnicher. Denclan venait d'arriver et se tenait à présent derrière Morgan.
------------------------------
- Tu m'as fait courir, petit. Je ne m'imaginais pas que cela prendrait cette tournure. Après un regard au corps d'Owen, il fixa un oeil mauvais sur le garçon. Tu viens de me priver d'un des meilleurs chasseurs, Morgan. Je n'apprécie pas, je dois te le dire. Mais tu peux encore sauver ta charmante peau. Commence par jeter ce flingue et enlever ce qu'il te reste de vêtements. Je ne voudrais pas que tu caches quelque chose contre ton sexe ou entre tes cuisses.
----------------
Morgan sentait la folie de l'homme le transperser. Il pouvait voir l'excitation poindre dans le pantallon de son grand-oncle. Il jeta pourtant le flingue et dénoua la chaussette. Puis, il ôta les restes de son caleçon et les jeta devant lui.
-------------------------
- Que voulez-vous, demanda le garçon. Je vous le dis tout de suite, j'aime autant que vous me tuïez tout de suite, mais jamais vous ne me toucherez vivant.
- Te toucher ? Tu penses que je veux te violer ? Allons, Morgan. Si je l'avais voulu, il y a longtemps que cela aurait été. Non ! Je veux simplement faire de toi mon successeur. Mais cela ne se fait pas gratuitement.
----------------------
L'oncle se tourna vers Mélia.
---------------------------
- Et voici notre petite pouffiasse de nièce. Il n'est pas question que nous ne profitions pas complètement de ton spectacle. Tu vas toi aussi ôter tous tes vêtements et tu vas t'approcher lentement. Viens nous rejoindre ici. Fous-toi à poil salope, grouille-toi.
----------------------
Mélia pleurait de plus belle. Elle ne bougeait pas, se tortillait dans tous les sens. Elle tenta d'ôter sa blouse, mais renonça. Elle s'abattit sur le sol et se mit en brailler comme un gosse de trois mois.
--------------------------
- Morgan ! Va dans le trou et déshabille ta soeur. A poil complètement, vite, ma patience a des limites mon garçon.
-----------------------------
Morgan s'exécuta, sauta dans le trou et saisit sa soeur qui continuait de pleurer, de geindre et de renifler. Il lui glissa quelques mots doux et dégraffa les pressions de sa blouse. Dessous, elle ne portait aucun sous-vêtement. Morgan savait parfaitement que cela était dans ses habitudes. Il la releva lentement et fit glisser sa jupe, révélant son sexe humide. Sa soeur s'était pissée dessus de peur. La gamine ôta ses basquettes et se tourna vers son frère en sanglotant. Elle se colla à lui et pleura sur son épaule. La sensation de tenir une fille, fut-elle sa soeur, complètement nue dans ses bras, même dans ce pénible instant, parvenait sans peine à exciter Morgan. Il sentait son pénis se redresser contre le vagin humide et entrouvert de sa soeur.
----------------------
- Hé bien, voilà un bel instant, roucoula Denclan. Vous êtes migons tous les deux. J'aime voir les animaux s'accoupler. Choisis mon garçon. Soit tu deviens un des miens et tu exécutes cette petite putain ou alors tu choisis de mourir avec elle. Choisis vite et bien ! Tu peux devenir l'un des possesseurs de tout ce domaine. Tu peux vivre comme moi ... éternellement. Nous sommes les nouveaux membres d'une société millénaire, Morgan. Nous sommes éternels. Choisis !
- Je ne peux pas tuer ma soeur. Elle est tout ce qui me reste, vous ne pouvez pas me demander cela.
- Ce n'est qu'une pute ! Comment peux-tu avoir des sentiments pour elle ? Regarde-la. Regarde bien son corps de petite catin. Elle est née pour baiser, c'est sa seule raison d'être. Baise-la !
Comment ? Baise-la. Enfonce-toi en elle. Elle aimera ça, crois-moi. Tu comprendras alors ce qu'elle est. Crois-moi. Elle ne peut qu'aimer ça ! Ce n'est qu'une vile putain. Baise-la, hurla-t-il avec rage.
------------------------
Morgan aida sa soeur à s'allonger sur le sol rocheux de l'anfractuosité. Il comprenait l'horreur de la scène, mais tentait simplement de gagner un peu de temps. Sa soeur ouvrit ses cuisses en hurlant de peur. Morgan n'avait jamais fait l'amour à aucune fille, mais il savait théoriquement comment s'y prendre. Pourtant, celle-ci était sa soeur ainée. Une soeur qu'il aimait beaucoup malgré leurs nombreuses chamailleries. Il saisit son pénis tendu et grossi et s'enfonça en elle. Les premières pressions lui faisait un peu mal, mais rapidement il y prit de l'aisance et du plaisir. Il se cambrait de plus en plus rapidement, donnant des coups de boutoir de plus en plus violents à sa soeur qui suffoquait presque de plaisir partagé. La situation le dégoûtait et le révulsait mais l'attrait de la chaire était trop fort pour qu'il y renonce. Après quelques minutes d'un intense aller-retour, il éprouva une vague de chaleur dans son bas-ventre et il éjacula. Sa soeur poussa un petit cri de satisfaction qui finit de dégoûter Morgan. Le garçon s'enleva rapidement de là et se tourna vers son oncle. Celui-ci semblait avoir pris un pied d'enfer à la vue des deux corps nus s'enlaçant sur le sol rocheux du désert africain.
-----------------
- Bravo, fiston, je vois que tu as compris. Maintenant, tue-la ! Etrangle-la. Finis-la !
- Pas comme ça, cracha Morgan. Pas de mes mains.
- Alors, prends une pierre, ricana Denclan.
---------------------------
Mélia ouvrit les yeux et hurla. La pierre s'abatti avec férocité et violence sur son crâne et la cloua au sol à tout jamais. Le garçon se relevait avec peine, son pénis encore durçi battant contre sa jambe. Il fixa son oncle et commença à sortir du trou.
------------------------
- Bravo, fit Denclan. Tu as mérité, fiston. Tu viens de prouver ta valeur. Viens prendre ta place à mes cotés. Viens diriger ce monde avec moi !
------------------------------
Morgan s'avança et regarda son oncle dans le blanc des yeux. Denclan comprit-il. Morgan ne le sut jamais. Toutefois, un éclair traversa l'iris de ses yeux sombres. L'instant d'après, il s'écroulait le dos dans la poussière, une lame ensanglantée transperçant sa bedaine énorme. Il gargouilla encore quelques mots avant de sombrer dans le noir le plus total. Morgan récupéra une arme et entreprit de rejoindre l'hôtel. Il avait encore un travail à y terminer. Un dernier tueur à éradiquer et ensuite le domaine serait à lui. A lui seul !
Un récit de ThePhantom et DorianGray

jeudi 2 octobre 2008

Lamia


La voiture roulait depuis deux bonnes heures. Le chauffeur était aussi silencieux qu'une tombe. Sa mâchoire carrée avait un coté sarcastique qui ne plaisait pas au garçon. Le véhicule était spacieux et chaud. Lisa avait été claire sur la tenue à arborer dans son manoir. Ses parents et sa famille étaient des gens uniques et partisans d'une vie plus simple et plus proche de la nature. A Dunwich, ils avaient créé une vaste société privée dans laquelle de bien nobles bourgeois venaient prendre leurs soins. Lisa avait donc été fort précise sur ce sujet : un simple caleçon blanc assez collant et une valise avec des vêtements de soirée. Nick avait failli refusé, mais l'envie de revoir la jeune Lisa avait finalement remporté tous les suffrages.

Nick n'était âgé que de seize ans, il était blond comme un champs de blé, assez musclé, intelligent sans être un petit génie, sportif, amical et pour tout dire fort humain. Ses parents étaient morts dans un accident d'avion quelques années plus tôt et il vivait avec sa grand-mère, une vieille bonne femme chaleureuse et aimante.

Nick s'était donc changé dans la voiture, sur le chemin qui le conduisait indubitablement vers les plus belles fesses qu'il lui ait été donné de voir ! Des fesses rebondies, salivantes, douces et lisses comme le cul d'un bébé.

L'énorme Bentley Azure dépassa la grille et s'engagea sur le chemin caillouteux jusqu'à la demeure. Nick regardait à travers les vitres la grande allée d'ifs qui démarquait la totalité du domaine de Engel's Court. Dépassant des arbres, le jeune homme aperçut l'énorme manoir anglo-normand de Lisa. Il avait rencontré la fille lors de vacances passées sur le littoral de la Floride.

La voiture s'arrêta devant une entrée toute particulière : une tour puissante percée d'une double porte de chêne massif montée sur des bases solides de marches de pierres bleues. Le chauffeur stoppa l'engin face à l'entrée et coupa le moteur. Il se tourna vers Nick et lui tendit un document sous enveloppe. Puis, il lui fit signe de s'avancer vers le porche. Le garçon ouvrit la porte et sentit tout de suite le froid piquer son corps.

Depuis l'entrée, Lisa lui fit un signe de la main, l'invitant à le rejoindre rapidement. Il sortit, s'étira rapidement et s'engouffra aussi vite dans la haute demeure familiale. La porte se referma et le garçon se retrouva dans un hall gigantesque flanqué de statues de marbre et de flambeaux brillant.

- C'est largement plus chaleureux ici, fit Nick en souriant.
- Oui, dit simplement Lisa. Je suis heureuse de voir que tu as accepté de venir et que tu as accepté notre étrange choix vestimentaire. Je sais que ce n'est pas facile.
- Je dirai simplement que de ne porter qu'un seul caleçon blanc serrant ne m'est pas coutumier. Et c'est largement froid ! Maintenant, il fait bien meilleur.
- Ne t'en fais, tu vas t'habituer. Tes valises seront montées dans ta chambre. Et la maison est fort chauffée. Je suis heureuse que tu sois venu pour le week-end.
--------------
La jeune fille monta les marches devant Nick qui la suivit. Il était excité à la vue de cette superbe nymphette uniquement vêtue d'un string blanc en dentelle. Il sentait son pénis grossir dans son sous-vêtement au point qu'il lui prit l'envie de plaquer ses mains sur son entre-jambe. Ils passèrent dans des halls à n'en plus finir jusqu'à ce que Lisa s'arrête devant une porte haute et entrouverte. Elle pénétra dans la pièce et Nick la suivit. Deux hommes étaient assis dans des fauteuils luxueux au beau milieu d'une bibliothèque chauffée avec tous les feux de l'enfer. Ils se levèrent avec promptitude. Ils étaient balèzes, stricts et ,en dehors de leur tenue aussi incongrue que celle de Nick, ils semblaient sérieux à en mourir. Ils saluèrent les deux jeunes et se rassirent automatiquement.

- Puis-je te proposer un verre de soda ou un sherry, demanda Lisa.
- Tu peux, ironisa Nick. Volontiers. Je prendrais bien un soda si cela te va.
- Bien sur. Tu te plairas ici, ne t'en fais pas. Et puis ce n'est que pour un week-end. Cela nous permettra d'apprendre à mieux nous connaître. Tu ne crois pas ?
- Volontiers. Je ne rêve que de ça ! Comment se fait-il que tes parents aient eu l'idée ... assez étrange d'installer une communauté ici ?
- C'est un lieu vraiment fort, tu sais. Il est chargé symboliquement et les influx se ressentent encore plus fort dans notre salle de bal. Je te montrerai bientôt. En attendant, nous pourrons discuter et nous baigner dans la piscine intérieure.
- Volontiers.
- Tu es un peu coincé, hein ? Allez, viens, suis-moi. Je vais te montrer ta chambre.
-----------
Les deux jeunes adolescents sortirent du loundge et grimpèrent au premier étage. Les halls étaient aussi imposants qu'au rez de chaussée. Au point que Nick se demanda la taille exacte de cette demeure. Ils pénétrèrent dans une chambre vaste et colorée en blanc et mauve. Les valises du garçon avaient été déposées dans un coin de la pièce et un costume bleu roi surmontait le tout, impeccablement plié.

- Tiens, on t'a déjà fait monté le costume pour ce soir. Les grandes soirées sont exclusivement réservées aux costumes classiques. Tu seras moins gêné de cette manière.
- Merci, c'est une douce attention, fit Nick en regardant le complet signé Thierry Mugler.
----------
Lisa s'avança jusqu'au lit kingsize et s'assit sur le couvre-lit. Elle sourit au jeune homme, se coucha, leva ses jambes et fit glisser son string. Elle avait un corps fabuleux, tout en souplesse et en rondeurs gracieuses et parfaitement mesurées. Son vagin luisant était à présent ouvert comme une fleur précieuse, comme une orchidée rougeâtre et offerte. Nick sentait son pénis se dresser entre ses cuisses. Cela lui faisait mal. Il s'avança vers le lit d'une démarche raide et rapide. Lisa s'appuya sur un coude, se lécha les lèvres d'un air affecté et avec une lenteur de sénateur déshabilla son futur amant. Elle empoigna le membre viril à sa portée et le lécha consciencieusement puis l'avala d'un coup avec la facilité déconcertante d'un anaconda. Elle paraissait experte en la matière, ce qui n'était pas pour déplaire au garçon. Les lèvres de la jeune fille allaient et venaient contre son membre en berne, lui procurant des jouissances dont il n'avait jamais encore testé la réalité.

Nick sentit les mains de la jeune fille saisir son pénis lourd et gonflé et l'introduire dans son vagin humide, palpitant et chaud. Il s'arc-bouta sur le lit et commença à pénétrer sa compagne d'abord doucement puis avec une violence de plus en plus grande, soufflant et ruisselant de sueur sous l'effet des efforts qu'il faisait pour la première fois en duo. L'instant était bon, chaud et sensuel et il s'en serait voulu de ne pas le prolonger. Les coups de boutoirs étaient plus forts, plus longs, plus puissants, ses reins se cambraient avec l'aisance d'un amant de longue date et de forte lignée. Il la lécha, la caressa, la mordilla jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Puis, il se retira d'elle et se coucha sur le lit, le pénis encore à moitié tendu levant sa tête d'une jolie couleur prune vers le plafond.

Deux heures et une bonne douche plus tard, ils descendirent, habillés de maillots de bain. La piscine était contenue dans une immense véranda chauffée par panneaux solaires. Les jeunes gens entrèrent dans l'onde fraîche. Ils s'embrassèrent goulûment et burent quelques margueritas bien frappées. Nick ne sentait plus sa tête, il avait l'impression que tout tournait autour de lui, que tout lui échappait aussi certainement que sa virginité s'en était allée. Il pensait vraiment que ce week-end serait le paradis.

Ils firent le tour du propriétaire : la demeure énorme et tortueuse des parents, le jardin aussi aménagé et entretenu que les fesses d'une putain, les dépendances de la congrégation de Balam et même les écuries. Vraiment les parents devaient être particulièrement riches !
---------
Le soir venu, tout le petit monde se retrouva dans la grande salle de réception. Plus de quarante personnes assemblées autour d'une table rebondie de victuailles, de vins fins et de service en argent et en cristal. Nick commença à se sentir mal à l'aise. A coté de lui se tenait la mère de Lisa, une femme imposante, souriante et sans doute trop fardée pour être honnête. En face se tenait Lisa elle-même dans une robe rouge largement décolletée par le devant et l'arrière tant et si bien que le garçon devinait sa nudité excitante ainsi que son père, un gaillard fort et large d'épaules aussi imposant qu'une ziggourat de l'ancien empire.

- Notre congrégation s'explique par notre volonté de revenir à un monde meilleur, plus proche de la nature, expliqua le père. Elle fut fondée par mon grand-père il y a plus de soixante ans. Elle est basée aussi sur le bénévolat réciproque. Personne ne perd d'argent ici, personne ne doit y mettre des dollars, tout est gratuit. Et de temps à autre, nous accueillons des invités de marque. Lisa m'a dit combien elle vous trouvait admirable, j'ai donc décidé de donner le change en vous invitant à nous rejoindre.
- Je vous remercie, monsieur. C'est vrai que j'apprécie beaucoup votre fille.
- On s'en était rendu compte, susurra la mère, aussi affable qu'un pit-bull devant une entrecôte.
- Silence, tonna le père. Ton moment de paroles n'est pas venu. Ma fille représente toute ma vie, vous me comprenez, n'est-ce pas jeune homme ?
--------
Nick n'était pas certain de bien comprendre mais il fit oui de la tête et baissa les yeux. Il se sentait de plus en plus mal à l'aise et commençait à regretter vraiment sa venue en cette sombre et lugubre maison bourgeoise. Le repas se passa pourtant plutôt bien. Après tous ces fastes, Lisa le raccompagna jusqu'à sa chambre. Elle ouvrit la porte et s'invita d'office dans la pièce.
---------
- Tu me baises, demanda-t-elle aussi abruptement que vulgairement. J'ai envie de sentir ta grosse bite en moi.
- Je ... je ... oui ... si tu veux.
- Si je veux ? Bien sur que je veux, petit con. Enlève tes vêtements et allonge-toi sur le lit, les jambes bien écartées. Je vais te montrer ce qu'est une partie fine.
------------
Nick s'exécuta, ôtant son costume parfaitement taillé, sa chemise en lin fin, sa cravate en soie naturelle, ses chaussettes et son caleçon moulant. Sa queue battait la chamade au fur et à mesure que Lisa enlevait sa robe, révélant son corps aussi parfait qu'une cariatide. Le garçon s'allongea sur le lit et ouvrit largement ses cuisses. Lisa grimpa ensuite sur lui. D'une main, elle massa doucement les couilles du garçon, tout en prenant soin d'exciter le pénis par quelques petits coups répétés. Elle astiqua convenablement le manche jusqu'à ce qu'il atteigne des proportions parfaitement admirables. Alors, d'un coup, elle s'empala sur le vit et commença à cambrer ses reins, à se trémousser et à griffer la poitrine du garçon. Nick ne sentait plus ses membres tellement il bandait. Il éjacula finalement et poussa un petit cri de pur jouissance. Lorsqu'il ouvrit les yeux, il lui sembla voir une lumière pâle éclairer le corps blanc de Lisa. Il la trouva étrange, comme translucide. Il avait l'impression que ses veines ressortaient avec insistance, qu'une substance verdâtre coulait lentement dans son corps.
--------
- Tu n'as pas aimé ?
- Oh ! Si, bien sur. C'était très bon. C'est juste ... rien, j'ai eu ... comme une mauvaise impression. Ce n'est rien. Je vrais me reposer. Excuse-moi.
- Ne t'excuse pas, mon chéri. Ce sont tes premières fois, je comprends tes émotions. Calme-toi et allonge-toi convenablement, nous allons dormir un peu.
-------
Durant la nuit, Nick dormit difficilement. Il entendait des cris et des bruits venant de plus loin. Vers quatre heures du matin, Lisa se leva. Nick attendit quelques minutes et ensuite la suivit. Elle ne s'était pas habillée et déambulait dans la tenue d'Eve au milieu des couloirs sombres et immenses. Lui-même n'avait passé aucun vêtement et trouvait la situation sinon excitante, à défaut incongrue. Elle descendit vers le jardin, s'arrêta le temps de déverrouillé la porte de la véranda et sortit. Nick se demanda quelle mouche l'avait piquée, mais il la suivit tout de même, grelottant de froid.
----------
La fille se rendit sur un kiosque situé au milieu du jardin. Nick se tint de coté et put visionner la scène avec dégoût et horreur. Sur le kiosque se tenaient le père et la fille, enlacés comme deux sangsues. La fille faisait glisser ses mains sur le pénis du père qui doucement la pénétrait. Il poussa un cri rauque et s'enfonça plus profondément en elle, lacérant les fesses de sa fille de ses griffes acérées. Des griffes ? Il avait du mal voir.
------------------
Le père hurlait à présent dans une langue qui n'avait rien de familier à Nick, une sorte de chant guttural affolant et déchirant. La fille répondit d'une voix plaintive et stridente, se couplant dans une sourde mélopée aux accents tragiques. Le père et la fille copulant comme des bêtes sur un kiosque au beau milieu de la nuit. Nick avait envie de vomir. Il retourna lentement vers la maison et se promit de boucler ses bagages dès le lendemain et de quitter la maison au plus vite sous n'importe quel prétexte.
--------
Arrivé dans sa chambre, il verrouilla la porte et se coucha. Il fit des rêves monstrueux de femmes vampires, hurlant à la nuit tombée, de sorciers démoniaques violant de jeunes écervelées sur les racines d'un arbre gigantesque. Et l'arbre était vivant. Pas seulement dans une acceptation biologique, mais bien vivant comme un être fait de chair et de sang. Nick se réveilla au petit matin, nu, dans une pièce sombre, aux murs de pierre. Il était retenu au cou par une chaîne métallique reliée à un énorme crampon fixé dans la paroi la plus proche.
---------
-Tu n'aurais pas du voir cela, dit froidement Lisa. Ce n'était pas ce qui était prévu.
- Mais qu'est-ce que c'est que ce cirque, putain, hurla-t-il.
- Pas de blasphème ni de vulgarité, claqua-t-elle en lui assenant un formidable direct à la mâchoire. Ton temps de paroles n'est pas encore venu. Tu apprendras bientôt à me respecter et à m'obéir.
- Mais vous êtes cinglés. Détache-moi, putain, je veux partir.
- Tu partiras quand et de la manière dont j'aurai décidé. En attendant, tu te repentiras ici pour ta souillure perpétuelle. Tu attendras que Balam fixe ton sort.
-----------------
La fille sortit par une petite porte pratiquée dans la roche et le père entra.
-------
- C'est dommage mon garçon que tu aies vu ce que tu ne devais pas voir. Ma fille souhaite pourtant toujours faire de toi son époux, auquel cas je dois bien me soumettre à sa volonté. Mais elle m'a permis de me livrer à une gâterie précieuse pour un être de mon âge. Je suis désolé, mais cela va te faire assez mal.
- Vous êtes fou ! Ne me touchez pas ! Vous n'avez pas le droit de ...
- Erreur, jeune coq imbécile. J'ai tous les droits et celui de posséder ton corps et ton être autant que celui de décider de ta vie. Tourne-toi, ne m'oblige pas à te forcer, ceci ne te ferait que plus mal encore.
--------
L'homme attrapa Nick par le cou et le força à s'agenouiller. Ensuite, avec une vigueur perfide, il s'enfonça en lui, donnant des coups de boutoirs aussi puissants qu'une machine à vapeur lancée en plein galop. Nick ne sentait plus son cul tant cela le faisait souffrir. Il avait l'impression de s'être assis sur le vieux poële de sa grand-mère, celui qui fonctionne encore au charbon. Il ressentait ce viol comme le pire moment de honte de toute son existence. Et pourtant, il était certain que cela ne faisait que commencer. Le sperme froid et gluant du père souilla ses fesses et son anus. Il hurla et tomba ensuite de coté, pleurant et soufflant de rage. Le père se releva, lui asséna un violent coup de pieds dans les cotes, se pencha à nouveau sur le garçon, saisit son pénis et entortilla autour une langue d'une longueur inadmissible et finalement s'en alla.
---------
Nick fut réveillé quelques heures plus tard par des pas venant d'un escalier proche. La porte de sa cellule s'ouvrit bientôt et une troupe d'hommes entra. Ils étaient vigoureux, dans la force de l'âge et tenaient divers instruments dans leurs mains. Nick fut saisi, détaché de la paroi et emmené vers une autre pièce plus profonde encore à travers les couloir sombres et empuanti de moisissure et d'une odeur bien plus affreuse encore.
---------
Tout en bas, là où les couloirs se rejoignaient pour former une vaste et oppressante crypte, Nick saisit l'horreur de la scène. Une orgie affreuse avait commencé. Une orgie de sexe et de sang. Des couples emmêlés se repaissaient des invités de marque de la congrégation. Dévorant qui un foie, qui une jambe, de sombres créatures aux pieds palmés et aux corps couverts d'écailles s'enlaçaient dans de monstrueuse bacchanales où évoluaient des femmes nues dont les corps se terminaient par des queues de serpent. Tout ce monde se tortillait frénétiquement, cherchant à se repaître du moindre effort, de la moindre parcelle de vie des humains présents. Au milieu de la salle se tenait Lisa, totalement nue et levant des bras pourvus de griffes rouges vers un arbre millénaire, plié et courbé, portant visage quasi-humain au centre de ses grappes de branches plus fourchues que les pieds d'un bouc. L'un des gardiens de Nick le poussa en avant à l'aide d'un bâton de bois. Rapidement, le jeune homme fut amené devant la fille et son arbre compagnon.
-------
- Nick ? Je suis heureuse que tu sois là. Je voulais que tu saches et que tu comprennes. Que tu comprennes ce que ma mère n'a jamais admis. Tu vas être aux premières loges pour voir notre Dieu se nourrir. Lui qui plane au travers du vrai, lui qui connaît l'avenir, le présent et le passé, lui par qui tout transcende, Balam !
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Qu'est-ce qui se passe ici ?
- C'est le grand jour, Nick. Une fois par an, nous invitons des familles entières n'ayant plus d'attaches afin de nous repaître de leurs dépouilles. Nous nous nourrissons en l'honneur de Balam, notre Dieu, nous les lamia.
--------
L'arbre poussa un grondement sonore et Nick vit qu'il possédait trois visage, l'un fixait des yeux éteints vers le sol, le deuxième fixait le couple d'adolescents d'un air satisfait, le dernier regardait le ciel d'un air perplexe. Nick comprit l'abomination contenue dans cette cave suintante et monstrueuse. D'un coup d'oeil à gauche, il vit un jeune garçon de huit ans chevauché par une femme de quarante qui cherchait désespérément à trancher son pénis à coups de crocs huileux. Plus loin, une ancienne épouse respectable était allongée sur le dos, la cage thoracique béante ouverte comme un festin pour des monstres en chaleur qui prenaient un soin particulier à détacher chaque centimètre de chair des os cassés. Nick vit et cela et bien plus : des enfants violés à l'aide de barre de fer rougies au feu, des hommes écartelés dont les burnes étaient croquées par des créatures mi-femmes mi-poissons, des filles empalées sur des troncs de bois, l'estomac leur ressortant par le gosier.
---------
- Et puis, c'est dingue ce que l'on peut faire avec la peau humaine, lâcha Lisa avec un naturel effrayant. On peut vraiment en faire n'importe quoi : abat jours, fauteuils, canapés trois places pour certains, rien que de la belle qualité.
--------
Nick hurla et se précipita sur le premier être sur sa droite qui tenait un flambeau. Il le lui arracha des mains et le brandit vers Balam lui-même. Le démon rugit du fond de sa prison et tourna son deuxième visage vers Lisa. Sans hésiter une seconde, Nick planta le flambeau dans la poitrine de la fille.
--------
Un mugissement suraigu se fit entendre, faisant résonner terriblement les murs de la caverne. Lisa prenait feu, lentement mais sûrement. Devant elle Balam s'était aussi enflammé. Les deux êtres liés par un destin monstrueusement semblable devenait des foyers gigantesques.
---------
Le garçon profita du remue-ménage créé par son acte pour s'enfuir vers une porte en hauteur. Il l'ateignit au moment même où le père de Lisa le rattrappait et le faisait choir.
-------
- Tu crois peut-être t'en tirer, minable. Je vais te faire bouffer tes couilles et ensuite te couper le gland et regarder ton sang se retirer de toi jusqu'à ce que je dévore ton corps en punition de tes pêchés. Je ferai cela, Dieu, crois-moi.
--------
Un bruit formidable retentit et l'arbre explosa lançant des milliers de morceaux à travers toute la pièce. Le père de Lisa s'effondra comme un fétu de paille pour ne plus se relever. Sa tête venait d'être arrachée de son tronc avec violence et puissance.
----------
Sans hésiter davantage, Nick sortit de la caverne et fonça à travers un dédale incohérent, cherchant les chemins de remontée. Bientôt, il fut dans le grand salon. Il tira une tenture à lui, l'enroula autour de lui et sortit de la maison. La merveilleuse Bentley avait été garée sur le coté droit de la cuisine. Nick s'y précipita et s'y enferma, priant pour sa vie.
----------
Fut-il entendu ? Il nous faut le supposer. Alors que la demeure flambait de plus belle, léchant le ciel de longues volutes rouges et or, que le jardin s'effondrait dans des affres de torture souterraine, la voiture, sur son morceau de terre ne bougeait pas d'un pouce. Lorsque tout fut fini, Nick sortit et contempla les restes clacinés de l'ancienne résidence de Balam. Les poutres noircies fumaient encore.
----------
Soudain, sortant des ruines, une ombre se dirigea vers lui. Il s'agissait d'un homme jeune et beau. Un homme grand, mince et presque assexué, habillé d'une toge longue et blanche, nimbé d'une lueur morte. Il se planta devant Nick et lui sourit.
----------
- Paix à toi, fils de mon père. Tes actes ont sauvé de la damnation éternelle le premier des déchus. Celui qui par sa force pouvait révéler l'avenir et le passé. Mais tu n'as pas voulu de ce don. Tu étais digne de me dégager de ma prison millénaire. Sois certain, fils de mon père que mes yeux suivront tes pas et que jamais tu n'auras à souffrir de par ma main. Je te le promets.
--------
Aussi subitement qu'il était apparu, l'ange disparut, devenant de plus en plus sombre et finalement éclata en une miriade de rayons lumineux aussi sombres que des opales.
----------------
Slalomant avec la voiture entre les fossés créés par l'effondrement du sous-sol, Nick s'enfuit de Dunwich et ne jeta pas un seul regard en arrière avant d'avoir atteint les abbords de l'autoroute. Au loin, Dunwich avait cessé d'exister à tout jamais.
Un récit de DorianGray

mercredi 1 octobre 2008

Louise

Septembre 1938. La pluie détrempait tout. Nous étions quatre, debout, face à ce trou béant et fangeux. Quatre vieux messieurs aux tenues plus ou moins élimée, reniflant et crachant sous une pluie battante avec moins que rien comme prétention. Quatre coeurs déchirés et autant de peines inconsolables. Nos pieds pataugeaient dans ce marasme terreux depuis vingt bonnes minutes.

Elle arriva enfin. Une vieille charrette tirée par l'âne cagneux du meunier. Une vieille charrette poussive, à peine décorée de noir ou de bordeaux, chargée d'un petit cercueil en sapin. Il n'avait pas du coûter bien cher, mais il ne fallait certainement pas compter sur Madame pour dépenser plus que de raison. J'aurais bien aimé avoir plus d'argent moi-même pour y mettre une fleur, mais à mon âge ce qu'on possède est souvent ce qui nous attend de l'autre coté. Je me suis tourné vers Edgard et je lui ai rendu cet air triste et pathétique qu'il arborait depuis quatre jours.

Louise aurait aimé sans doute une présence religieuse ,mais le curé devait l'imaginer autrement je pense ! Son acte était répréhensible pour lui, c'est certain. Mais pas pour des gens comme nous. Pas pour des malheureux, des pauvres, des prostrés. Le cercueil a été descendu rapidement dans ce trou sans vie. J'ai pas versé une larme, ça n'aurait pas été nécessaire. Et puis Louise ne l'aurait jamais demandé. Je me souvenais encore de ces gestes si souvent répétés, d'une manière lasse et triste. Non. Elle n'aurait pas voulu que je pleure, la petiote.

- Elle a été vite partie, me fit remarquer Antoine.
- Elle était encore bien jeune, dit simplement Jean.
Il aurait été inutile de leur répondre, de leur expliquer pourquoi. Il n'y avait pas de pourquoi possible. Louise disparut enfin de ma vue et de molles pelletées furent jetées sur le coffre de sapin. C'était fini. Rien à redire, rien à faire ou à défaire. J'ai envoyé la rose que je tenais entre les mains vers le trou et je me suis retourné.

La pluie finirait par passer, avec un peu de chance. J'étais sans doute trop fatigué pour attendre et je cherchais un peu de chaleur pour reposer ma vieille jambe blessée au combat en 1870. Alors j'ai choisi le café au hasard. C'était un choix de vieil habitué. De vieil ivrogne. Rien de bien palpitant à faire. Et à mon âge, on ne se soucie plus vraiment de ce qui est bon et bien à faire. J'aurais voulu faire mieux, mais je me suis saoulé. C'était un pire pour un mieux après tout.
J'étais déjà ivre quand il est entré. Je le revois encore avec sa robe noire, son air méprisant et cette horrible façon de tourner sa tête vers les tables, de chercher les plus jeunes pour les remontrer à la face de Dieu lui-même si seulement ce vieux barbon existe. J'ai posé mon verre et je me suis tourné vers lui. J'aurais voulu le saisir à la gorge, le cogner, lui faire regretter ses actes ou ses paroles. Mais je n'en ai rien fait. Je me suis levé et je l'ai fixé bien droit dans les yeux. Il a soutenu mon regard. Le lâche !

Je n'ai jamais été ami avec les grenouilles de bénitier et ce n'est pas à présent que je vais commencer à écouter leurs bondieuseries. J'en ai trop vu pour pouvoir supporter pareilles balivernes. La vie n'est pas toujours tendre, vous savez. Et j'aime mieux me fier à la fatalité que me dire qu'un mec nous regarde nous débattre dans notre mouise pour son seul plaisir. Les corbeaux non plus ne m'attirent pas. Et celui-ci moins que les autres.

- Quel malheur que vous n'ayez pu venir, que je lui ai dit.
- Ma place n'était pas là, m'a-t-il répondu. D'autres ouailles avaient plus grand besoin de mes services.
- Vos services ? Quels services ? Ceux que vous monnayez contre des pièces sonnantes et trébuchantes, je parie. La messe est un service pour vous ?
- C'est un service pour ceux et celles qui savent croire et comprendre. Mais cela dépasse sans doute la compréhension d'un ivrogne notoire.
- L'ivrogne est peut-être moins réclamant qu'un cul béni, mais chez moi les malheureuses ont toujours eu la porte ouverte, quelle que soit la nature de leur crime. Je ne rejette pas une âme, si noire vous paraisse-t-elle. Ma religion, je ne la puise pas au fond d'un tabernacle poussiéreux doré à la feuille d'or.
- Vous la puisez surtout au fond des spiritueux. Prenez garde aux flammes, Raymond, elles ne vous lâcheront pas de sitôt !
- Puissent-elles vous prendre un jour prochain et vous faire ravaler vos sarcasmes !

Je me suis rassis. J'avais pas l'intention de le laisser dire des choses horribles, mais j'étais sans doute trop vieux pour lui répondre. C'est Robert qui est venu à moi le premier. Il a attendu que le curé s'en aille et il est venu s'asseoir à coté de moi. Il voulait tout savoir. Avais-je le droit de taire cette vérité ? Je suppose. Mais j'ai choisi une autre voie. La repentance passe aussi par la parole.

- Explique-nous l'histoire de Louise, a-t-il demandé.

Je ne sais plus vraiment comment tout à commencé. C'était en 1912 ou 13, elle avait seize ans. Une fille de la charité comme on dit chez nous, une enfant de la rue. Mais belle comme un coeur. Sa mère était morte en couche et son père avait fini ses vieux jours en tombant d'un toit quelques mois après sa naissance. C'est ma bonne vieille Jeannie qui s'en était occupée. Oh, elle était vraiment magique, vous savez. Elle était soeur, c'est vrai. Mais avec elle, tout ça, ça comptait pas quand le coeur est de la partie. Je peux dire en toute humilité qu'elle aimait vraiment son prochain.

Elle s'était occupée de la petiote de son mieux. Elle lui avait appris à coudre, à signer de son nom et aussi à compter. Elle n'aurait pas été bien loin avec ça, c'est vrai. Mais c'était une autre époque et les jeunes comme vous ne peuvent pas comprendre ces choses-là. Aujourd'hui, il vous faut des cinémas, des clubs et des soirées, de l'amusement pour vous imaginer votre vie autrement que celle des autres. Et cette époque est sans doute bien pire que la nôtre ! Ce sera bientôt la guerre, c'est moi qui vous le dit.

Enfin, bref. Elle était mignonne comme un coeur, douce comme la première fleur de printemps. Une belle princesse sans le sous avec des antécédents de misère. Elle a été finalement engagée. Comme souillon bien sur, il ne fallait pas s'attendre à un vrai boulot. Elle servait et cela lui payait le logis, le couvert et le linge, rien de plus, rien de moins. Il lui aurait été incapable de se faire un petit bas de laine sur le coté mais elle vivait sans se soucier du dehors. Elle vivait pour vivre. »
N'avait-on pas parlé d'un jeune homme dans sa vie ? Un cheminot me semble-t-il, prononça Antoine si bas que c'est à peine si on l'entendit.

Un homme, oui, dis-je. Un homme aimant et courageux. Il n'en est pas beaucoup qui se le rappelle ici. Qui se rappellerait un garçon tombé dans la boue il y a vingt-trois ans pour une cause si obscure de nos jours qu'on la croirait presque infondée. Me prenez pas pour un demeuré, je sais parfaitement comment fonctionne notre monde.

- Il est mort à la guerre, demanda Robert. Je ne le savais pas.
Oui, il y est mort en héros, enseveli sous une tranchée dans les bas fonds fangeux de Verdun. On n'a jamais retrouvé son corps, mais l'évidence était trop frappante. Vous ne savez pas ce qu'était Verdun. Pour celui qui en revient Verdun c'est déjà loin, pour celui qui y est mort, Verdun, c'est un porc. On en fera une chanson, un jour, vous verrez. Un grand homme s'y osera. Bref, mon garçon y est mort.

- Mais qui était-il, me demanda encore Jean le Potier.

C'était un garçon de petite famille. Basse extraction, mais de grande valeur. Marc, il s'appelait Marc. Marc Vischers. Il était venu de Flandre avec son père dans les années cinq ou six. Un garçon beau en diable. Grand, blond, le visage doux et grave d'un adolescent trop vite grandi. A douze ans, les chemins de fer l'ont engagé. Il faisait des petits boulots pour le chef de gare ou nettoyait les voies. Quand il a été en âge de le faire, il est devenu cheminot comme son père et son grand-père l'avaient été avant lui.

Il n'était pas trop attiré par le beau sexe. Seul l'état de son père l'intéressait mais à l'âge peu avancé de trente-huit ans, ce dernier fut écrasé par un train fantôme surpris à contresens entre Crécilly et Hérisson. Marc se retrouva seul. Seul au monde. C'est moi qui le prit à la maison. Il était devenu sombre et taciturne, mais il aimait se rendre utile. Il a aidé ma vieille Béatrice lorsque celle-ci souffrait d'angines de poitrine. Elle en est morte d'ailleurs. A dix-sept ans, il a fait la connaissance d'une brave fille qui malheureusement mourut en couches en emportant avec elle dans la tombe un possible héritier. Comme ils n'étaient pas mariés, le curé refusa d'enterrer la pauvrette dans le cimetière consacré. Cela marqua le garçon encore plus durement que la perte de son aîné.

Il rencontra Louise deux mois plus tard. Ils sympathisèrent rapidement. Trois mois plus tard, il était officiellement son fiancé. Six mois plus tard, il rejoignait le front. Personne ne l'a jamais revu. Un vrai massacre.

- Et Louise, fit Jonathan. Qu'est-elle devenue ?
- Ma pauvre Louise ne l'a jamais accepté totalement. Mais ceci vient en partie d'un autre incident.
- Tu en as trop dit ou plutôt pas assez, fit remarquer Yves. Ne nous laisse pas ainsi. Explique-nous pourquoi tu t'en es pris au curé tout à l'heure. Pas uniquement pour le refus d'enterrer la première femme de ton protégé tout de même ?
- Non, bien sur. La plupart des gens de ce village ne connaissent pas l'abbé Arthur Gilles comme je le connais. La compassion est la dernière vertu auquelle il accorderait du crédit. Et la luxure, le premier pécher dans lequel il se fondrait.
- Raconte-nous l'histoire de Louise, demanda à nouveau Robert.
- Remets-moi un verre de ta fameuse bière et je te promets la suite de mon histoire.
La mort n'est pas la seule cause de souffrance pour une femme. Nous étions en 1912 lorsqu'elle rencontra Marc. Il m'a parlé d'elle durant deux soirées de suite avant que je ne le décide à lui rendre visite lors de ses trop courtes pauses. Elle travaillait pour Madame, voyez-vous. Il n'était pas de femme plus avare et plus orgueilleuse que cette vieille pimbêche endimanchée. Elle n'avait jamais porté d'amour à personne, ni à son mari, décédé près de douze ans plus tôt, ni à son unique fille, Gladys. Elle employait des bonnes jeunes et vigoureuses pour le prix d'un vieil invalide de guerre. Mais Louise devait travailler.

La première fois que Marc rencontra Louise, ce fut sur l'allée dallée, derrière la demeure de Madame. Elle rougissait à vue d'oeil, et moi, caché derrière les buissons, je priais un Dieu inexistant de rendre leur amour possible. Mes prières ne furent point vaines pourtant. Seize jours plus tard, Marc m'apprit qu'il allait revoir la jeune fille. Il était comme porté par des anges. Il souriait bêtement, retrouvait de l'appétit. Cela me faisait tant plaisir à voir.

Chaque jour, il attendait Louise, à dix-huit heures trente très précisément. Il lui offrait quelques fleurs des champs, parfois, quand il le pouvait, un mouchoir brodé, un napperon en dentelle, une autre fois, une écharpe de laine, le jour de la foire aux chevaux. Ils étaient vraiment fait pour vivre ensemble, ça ne faisait pas de doute. Comme je vous l'ai déjà dit, trois mois plus tard, on célébrait leurs fiançailles, seuls, à la maison. Avec les antécédents de Marc, le curé avait refusé de bénir leur promesse d'union. Cela ne nous dérangea pas outre mesure. Nous avons fêté cette heureuse nouvelle avec beaucoup de joie.

Malheureusement, la joie n'a pas duré. Au début du mois d'octobre 1915, Marc fut appelé sous les drapeaux. Moi-même, si je n'avais pas été handicapé comme vous le savez, j'y serais allé aussi. Mais la vie en a décidé autrement. J'ai conduit Marc sur le quai de la gare de Moulins le treize octobre à quatorze heures vingt. Il est monté dans le train en chantant au milieu d'autres jeunes hommes. Toute cette jeunesse, toute cette candeur, toute cette fraîcheur qui partait au front. Une horreur, une boucherie !

Je ne l'ai jamais revu. Il était comme mon fils, vous savez. Je l'aimais. Je le chérissais même. Doux, beau, aimant, courageux, j'aurais tellement voulu le voir se marier et pouvoir serrer les petits dans mes vieux bras. Mais cela n'a jamais eu lieu !

C'est en mars 1916 que Madame reçut un vieil ami à elle, colonel de son état. Il revenait du front, épuisé sans doute de tant de débauche. Il a parlé durant d'interminables heures dans le boudoir de Madame avec Madame et sa fille. Au bout d'une heure, il parlé d'un escadron qui s'était entièrement fait tué à Verdun. Enterré vif dans une tranchée. Et Louise qui servait le thé. Elle s'est contenue, la pauvrette, mais cela a été insupportable. Elle a failli mourir de langueur et a lutté contre la mort durant quatre mois. Quatre mois durant lesquels Madame a considéré Louise comme une moins que rien, une chose stupide et inutile. Et puis Louise s'est remise.

- Mais c'est affreux, dit tout simplement Henry.
- Affreux, oui, et pourtant naturel. Beaucoup de couples on été brutalement détruits à cause de ce stupide conflit. Combien donc périrons à nouveau dans le prochain ?
- Pitié, ne sois pas si défaitiste, Raymond. Il reste encore de l'espoir.
- Rien ! Plus d'espoir dans un monde morne et mort.
- Allons, sois positif. Tu sais, sa vie n'était pas vraiment un monument de gaieté, mais elle n'aurait sûrement pas voulu tant de consternation.
- Je vais alors t'apprendre la fin de mon histoire et tu pourras juger !
Cela s'est passé juste après la sinistre nouvelle du colonel Bréatty. En fait, pour tous Louise souffrait d'une lassitude énorme. Il y a très peu d'hommes et de femmes qui connaissent la vérité et les seuls qui savent se montrent trop chiens pour en discuter. Après ça, Louise n'a plus jamais été acceptée à la table de Madame. Voyez-vous, Louise n'était pas seule à pleurer le funeste sort de mon malheureux Marc. Il y avait moi, bien sur. Mais en-dehors de nous deux, il existait une troisième personne.

Louise était grosse voyez-vous. Grosse de deux mois en octobre, grosse de sept mois en mars. Un petiot qu'elle cachait dans ses vêtements amples et dans ses robes rondes. Pour tous, elle avait forci. Un soir, dans son petit lit, sous la charpente, elle a tué ... l'amour tout au fond de son ventre ... par une aiguille à tricoter. Une seule personne vous manque et tout est dépeuplé, disait Lamartine.

La petite sotte s'en est confiée au curé, un soir de grand messe, pour soulager ses peines et demander le pardon à Notre-Dame. Un pardon qu'elle n'a jamais obtenu. Bien au contraire, ce fourbe s'est précipité s'entretenir avec Madame. La honte que cachait Louise fut son tombeau. Un tombeau de silence, d'opprobre et d'horreur durant encore douze ans. Un tombeau dans lequel elle s'est murée. Malheureuse enfant de pluie et de cendres. Un tombeau de douze ans sans lueur, sans espoir.

Voilà, vous savez tout ou presque de Louise. Certains points vont vous sembler obscurs, mais il vaut mieux que j'emporte mes mémoires dans ma tombe. Puisse le ciel prendre pitié d'elle comme j'en ai eu compassion autrefois.

Le café s'est vidé progressivement. Des hommes durs que le labeur avait rendu bourrus. Ces hommes-là pleuraient à chaudes larmes, pleuraient de honte et de détresse. Cela se passait en 1938, dans un village de l'Allier.

La guerre a couvert d'un manteau de sang notre village comme bien d'autres en France. J'ai survécu. D'autres sont morts, beaucoup en fait. Le café a fermé ses portes voici deux ans. Certains des anciens sont partis à Moulins, dans une maison de retraite ou dans un mouroir, parce que leurs enfants n'avaient plus d'intérêts à les maintenir chez nous ... La tristesse et la modernité a noyé le village comme autant de naufrageurs des temps anciens.

De temps à autre, je vais sur la tombe de Louise. De jolis lys blancs ont poussé sur sa tombe. Certains parlent de hasard. Mais le ciel n'a jamais fait de hasard, seulement des miracles. A propos de miracles, il y en a d'autres. Madame est morte d'une crise d'apoplexie ils ont dit. Elle veillait tard, assise dans un sofa hors d'âge. Au petit matin, Madame Gladys l'a découverte effondrée sur le tapis. Elle avait les trais tirés comme si elle avait succombé à une horreur incompréhensible durant cette nuit. Le curé a succombé lui aussi. Aux balles des alliés. Après la guerre, on a découvert bien des choses sur lui. Plusieurs jeunes garçons du village ont raconté certaines choses à leurs parents. Puis d'autres langues se sont déliées, celles du maquis tout d'abord, celles d'autres enfants ensuite, celles de jeunes juifs déportés grâce à son action si noble durant la guerre. En septembre 1948, un petit procès eut lieu dans le village à l'issue duquel les anciens résistants fusillèrent l'ignoble prêtre. Son corps fut jeté dans la fosse commune hors des terres consacrées.

Et moi aujourd'hui comme chaque jour, je vais aller sur la tombe de ma pauvre Louise et peut-être qu'un jour je n'en reviendrai pas. J'attends toujours près de deux heures. Si rien ne vient, je reviens vers ma maison, chancelant et pantois. J'attends. J'attendrai toute ma vie s'il le faut.

Un récit de DorianGray